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décalages et metamorphoses

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Archives de Tag: Zucchet

Le placard de Calvino/5 : sur la terrasse – dialogues imaginaires n.5

18 dimanche Mai 2014

Posted by claudiapatuzzi in dialogues imaginaires

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Giacomo Leopardi, l'arioste, Lavinia Colmo, le placard de Calvino, leçons américaines, monsieur Pandolfi, Pietro Citati, Roma juin 1985, six conférences, Zucchet

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Italo Calvino, photo de Pepe Fernandez, Paris 1981 (1)

Temps : juin 1985.
Lieu : Centre de Rome, Place du Campo Marzio, à côté du Panthéon ; studio d’Italo Calvino avec terrasse panoramique.
Personnages  : Italo Calvino, l’Arioste, Giacomo Leopardi, monsieur Pandolfi, chargé de la désinsectisation de la Zucchet, et Lavinia Colmo, femme de ménage.
Scène : matin tôt. Sur la terrasse, sur une chaise longue, monsieur Pandolfi de la Zucchet essaie de retrouver les forces perdues. Dans le studio, le poète Leopardi dort ratatiné sur deux chaises. L’Arioste se repose dans un fauteuil assez confortable, tandis qu’Italo Calvino, assis à son bureau, dort lui aussi, la tête appuyée sur les bras.

Soudainement, des clochettes résonnent. La porte s’ouvre d’un coup : c’est Lavinia Colmo, la femme de ménage. Lorsqu’elle voit les deux étrangers, elle lance un cri perçant et prolongé. Calvino se réveille.
Calvino : Lavinia, que faites-vous ?
Lavinia (tout en indiquant Leopardi et l’Arioste endormis) : En voyant ces types étranges… j’ai eu peur !
Calvino : Rassurez-vous ! Ce sont des personnes importantes, qui ont dû faire un long voyage juste pour me voir…
Lavinia (en fixant Leopardi d’un air perplexe avant d’exploser) : Celui-ci sent mauvais ! En plus, il est recouvert de haillons ! Puis elle se dirige vers l’Arioste murmurant: apparemment, celui-ci est juste sorti d’un réveillon de carnaval ou alors d’un musée… Et, dites-moi, cet énergumène ressemblant à un cafard, en train de dormir sur la chaise longue, qu’est-ce qu’il fait dans la terrasse ? Ici on fait des festins !
Calvino : Taisez-vous, s’il vous plaît ! Ils sont tous mes admirateurs… Ne deviez-vous pas vous occuper du petit-déjeuner et du nettoyage ? Ne voyez-vous pas que je gaspille avec vous du temps précieux ?
Lavinia : Je suis entrée juste pour prendre le linge sale dans le placard…
Calvino (en poussant Lavinia vers la porte) : Non, pour l’amour de Dieu ! Aujourd’hui, je dois travailler sans être dérangé, compris ? (en secouant les deux endormis) : Comte Leopardi, monsieur Ludovico, réveillez-vous !
Leopardi (en sursautant) : Qui parle ? Où suis-je ? Où est-il mon ami Ranieri ? Et ma soeur Paolina ? Où est-ce le petit-déjeuner avec les beignets ? Et le vase avec les genêts ?
L’Arioste (chuchotant dans le sommeil, assis sur le fauteuil) : Angelica…ne me quitte pas… Viens ici ! Où vas-tu ? Puis il se réveille d’un coup, en disant : C’est pire que le Palais d’Atlas, un va-et-vient continu… la vie est un labyrinthe… Par un soupir il s’adresse à Calvino : Mais, où suis-je ?
Calvino : Ne vous souvenez-vous pas ? Vous venez de sortir du placard ! Vous êtes à Rome, dans le XXe siècle ! Chut ! J’entends un bruit…, et par une impulsion soudaine, il court ouvrir le placard. Les autres deux l’observent.
Leopardi (se levant de la chaise) : Que voyez-vous ?
Calvino (faufilant la tête derrière une porte) : Je ne vois ni n’entends rien, il est tout sombre ici… peut-être, ils dorment encore.
Leopardi : Mais les Classiques ne peuvent pas dormir ! Ils doivent absolument veiller sur la Postérité, pour qu’ils ne fassent pas des bêtises ! Nous devons nous dépêcher, ce silence-ci m’inquiète…
L’Arioste : Moi, grâce au brigandage de la Garfagnana, j’ai acquis une certaine expérience dans les missions militaires et stratégiques. Si vous voulez, je peux vous donner un coup de main…
Calvino : D’accord, dites-moi…
Leopardi (se mêlant) : Voulez-vous savoir ce que j’en pense ?
Calvino : Mais, en vérité…
Leopardi (s’adressant à Calvino) : Je pense que si nous sommes ici ce n’est pas notre faute ! C’est vous qui nous avez appelés !
Calvino : Moi ?
Leopardi : Oui, vous-même, avec vos livres ! Par exemple avec le « commentaire du Roland furieux » de monsieur Ludovico ! Ou avec ces belles phrases autour de moi, comme l’ oxymoron « hédoniste malheureux »(2), selon lequel je serais une contradiction vivante !
L’Arioste : …et avec votre essai titré « Pourquoi lire les Classiques » (3) !
Leopardi : Et maintenant, avec ces « Conférences » ou comment sont-elles nommées…

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Voici la note d’Italo Calvino avec le six titres des conférences qu’il aurait dû lire chez l’Université de Harvard, Massachusetts (1985-1986).

L’Arioste : « Leçons américaines », comme le dit votre ami Pietro… (4)
Calvino : Calmez-vous messieurs, je dois encore finir de les écrire, il me reste à faire la sixième leçon, ayant pour objet la « consistance »… (5)
Leopardi : Je m’en réjouis ! En ce monde on bavarde trop et l’on se bouffe d’images, tandis qu’on parle très peu de la « consistance »… Mais j’aurais une question directe à vous poser, monsieur Calvino.
Calvino : Allez-y !
Leopardi : Pour quelle raison les Classiques vous ont-ils choisi, vous et votre placard, pour manifester leur malaise ?
Calvino : En vérité, je ne sais pas…
Leopardi : La réponse est évidente. Les Classiques vous aiment, ils sont vos fans ! Avec tout ce que vous avez écrit sur eux, vous êtes devenu leur idole, leur Sauveur ! Leur défenseur !
En ce moment-là, on entend un craquement d’os dans la terrasse…

Claudia Patuzzi

NOTES :
(1) Image imprimée sur la couverture de «Lezioni americane» (Leçons américaines), Garzanti Éditore (première édition italienne juin 1988, quinzième édition juillet 1988), titre  choisi par sa femme Esther Calvino. Le titre que Italo Calvino aurait voulu adopter c’était par contre Six memos for the next millennium. Le livre est apparu dans la collection Du monde entier, Gallimard, le 03-11-1989, traduction de l’italien par Yves Hersant.

(2) Italo Calvino, Lezioni americane, dans la section intitulée « Esattezza » (« Précision »), p. 62.

(3) Italo Calvino, Perché leggere i classici (« Pourquoi lire les classiques »), imprimé par Palomar S.r.l. et Arnoldo Mondadori Editeur S.p.A., Milan,1995; 1° édition « Oscar Opere » de Italo Calvino, septembre 1995, Italie.

(4) Pietro Citati, écrivain-essayste italien, ami de Italo Calvino.

(5) Italo Calvino est mort le 19 septembre 1985 à Siena, avant d’écrire cette sixième conférence pour l’Université Harvard («Norton Lectures »). En dehors des Lezioni americane sortent posthumes les oeuvres  Sotto il sole giaguaro, La strada di San Giovanni, Prima che tu dica pronto, par le soin de la veuve et de collaborateurs.

 

Le placard de Calvino/3 – dialogues imaginaires n.3

06 dimanche Avr 2014

Posted by claudiapatuzzi in dialogues imaginaires

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Giacomo Leopardi, Lavinia Tolco, le placard de Calvino, Ludovico Ariosto, Orlando Furioso, Orvieto, Pandolfi, Pietro Citati, Puits de Saint Patrice, Rome 1985, Zucchet

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Italo Calvino et le jeu des tarots

Lieu : été 1985. Centre de Rome, Piazza Campo Marzio, près du Panthéon. Studio d’Italo Calvino avec terrasse panoramique.
Personnages : Italo Calvino, la femme de menage Lavinia Tolco, Giacomo Leopardi, l’Arioste, Pandolfi, agent de désinsectisation de la Zucchet.
L’écrivain est assis à son bureau, penché sur la machine à écrire au milieu d’une pile de tapuscrits et de livres.

La femme de ménage frappe à la porte : « Le café, monsieur Calvino ! »
— Entrez, Lavinia, posez-le sur la table s’il vous plaît …
— Monsieur Pietro Citati est en bas. Il vous attend pour partir en promenade. Il m’a dit, en passant : « comment se porte-t-il avec les leçons américaines ? » Figurez-vous ! Il le demande à moi !
— Toujours cette ritournelle : « leçons » ! Il s’agit de six conférences sur un thème libre que je dois tenir à l’université de Harvard, dans les États-Unis ! E celui-ci insiste avec ce mot « leçons » ! Dites-lui de retourner dans l’après-midi…
Juste au moment où Lavinia Tolco referme la porte, Calvino susurre à part soi : – pourtant, leçons américaines ce ne serait pas mal comme titre… Mais, qui parle ?

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L’écrivain Pietro Citati, ami de Calvino.

Sans se passer d’un profond soupir il se lève, va vers le placard dont entrouvre une porte : « qui sait où s’est-il cachée la flèche de la Zucchet ? Ce placard c’est pire que le Puits de Saint-Patrice ! Je dois faire attention à ne pas tomber moi-même là-bas… Mais j’entends des voix ! D’où viennent-elles ? Qui parle ? Peut-être, suis-je en train de devenir fou ? »
— Y a-t-il quelqu’un, là ? On arrive !
— Qui êtes-vous ?
— On arrive, je vous dis ! Ce n’est pas facile ! Avec ces parasites et cafards, on a à faire avec la poussière, les épluchures, les débris, les paroles vides et les métaphores arrivées à échéance, utopies et rêves impossibles, ainsi que des villes invisibles, des châteaux croisés, des don Quichotte improvisés, des chevaliers errants au chômage ou pourfendus, sans négliger bien sûr les folies, les dictatures ridicules ou gravement redoutables…  » déclame une voix de stentor. Et finalement, un homme grand et gros sort du placard. Il est enveloppé jusqu’aux pieds dans un épais manteau de fourrure.
— Ferrare est une ville humide où il pleut beaucoup ! dit-il en souriant.
Calvino, la bouche ouverte, le regarde pétrifié. Monsieur Pandolfi, tel une serviette sale, pend des bras de cet homme imposant, tandis que Leopardi, avançant péniblement dans le cône d’ombre, lui soulève gauchement les pieds.

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Le poète Giacomo Leopardi (cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Au lieu de s’occuper de Pandolfi, Calvino s’inquiète pour le poète de Recanati. Il va prendre une chaise et un verre d’eau. Leopardi boit avidement, reprenant ses forces : — ne vous inquiétez pas, monsieur Calvino, c’est l’asthme. La faute est à l’au-delà : ce n’est qu’une illusion. On reste exactement comme on a toujours été. Aucun espoir de guérison. Aucun sanatorium. La punition ? On reste toujours à la même case, soit de départ soit d’arrivée. Il n’arrive jamais rien…
— N’exagérons pas, ricane l’homme à la fourrure tout en indiquant l’homme de la Zucchet, « nous avons eu l’occasion de recevoir ce cafard hors taille. Il s’est faufilé là où il n’était pas autorisé, en m’obligeant à monter à la surface depuis des siècles de silence… »
— Ce serait mieux de le cacher, s’exclame Calvino… Il risque d’apprendre trop de choses… Mettons-le sur le transatlantique dans la terrasse. Là, personne ne le verra, qu’en pensez-vous ?

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Portrait de Arioste de Titien (cliquer pour agrandir l’image)

Quelques minutes depuis, Calvino examine scrupuleusement cette figure majestueuse: — mais… vous êtes… vous ressemblez… à l’homme du célèbre portrait… de Titien ! Vous êtes l’Arioste, l’auteur du Roland Furieux ! En disant cela, il se jette à ses pieds.
— Je vous remercie, monsieur Calvino, mais levez-vous, je vous en prie !
— Monsieur Arioste, pourquoi êtes-vous venu ici ?
— Pour donner un coup de main au comte Giacomo ainsi que pour vous remercier pour tout ce que vous avez écrit à propos de moi… « Un explorateur lunaire qui ne s’étonne de rien ! » (1) Encore plus, j’ai été très réconforté, là-bas, en entendant l’écho de vos mots sur mon Roland Furieux : – « Le poème du mouvement selon des lignes coupées, à zigzag, tracées par les chevaux au galop ainsi que par les intermittences du cœur humain » (2),  « l’élan et l’aise dans la narration, c’est à dire le mouvement errant de la poésie ! » (3). Vos livres sont en train de redonner l’espoir à nous tous !
— Nous ?
— Oui, nous, les Classiques de tous les temps ! Du Panthéon de Rome jusqu’à celui de Paris ; du mausolée de Sainte-Croix à Florence aux grandes cathédrales. Partout où reposent des écrivains, des artistes, des philosophes. En somme, tous les classiques sont en effervescence…
— Quoi ?
— Ils sont très inquiets, d’étranges rumeurs courent…

SI POZZO

Puits de Saint Patrice (Orvieto-Umbrie)

nota 1 : Roland furieux, préface, p.XIX
nota 2 : Pourquoi lire les classiques, p.71; Roland Furieux, ibidem, p.XXIV
nota 3 : Roland Furieux, préface, p.XXV

Claudia Patuzzi

Le placard de Calvino/2 – dialogues imaginaires n. 2

30 dimanche Mar 2014

Posted by claudiapatuzzi in dialogues imaginaires

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Cafards, Christopher Walken, femme de chambre, Giacomo Leopardi, La fourmi argentine, Lavinia Tolco, le nuage de smog, le placard de Calvino, Zucchet

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juin 1985. Décor : un appartement au dernier étage avec terrasse, dans le centre de Rome, place du Campo Marzio, près du Panthéon.
 Une grande chambre avec deux fenêtres sur rue ; une bibliothèque tout au long des parois ; trois tables surchargées de livres, ainsi que de journaux, de feuilles pour écrire, une machine à écrire, une bouteille d’eau, un verre ; deux chaises ; un fauteuil avec un plaid écossais ; un placard avec deux portes.
Personnages : Italo Calvino, la femme de chambre madame Lavinia Tolco et Monsieur Pandolfi, agent de désinsectisation de la Société Zucchet.

00 h 11
Avec un aspirateur à la main, une femme en tablier est en train de faire le ménage, lorsqu’Italo Calvino entre.
— Bonjour, Madame Lavinia, avez-vous nettoyé le placard ?
— Oui, Monsieur Calvino.
— En avez-vous trouvé ?
La femme enlève sa pelle en plastique : — j’en ai trouvé quatre, ils sont vraiment costauds !
Calvino s’approche d’elle : — rien que quatre ? Moi, j’en ai vu six ! Êtes-vous sûre que vous avez bien regardé ?
— J’ai fait tout ce que vous m’avez dit ! Maintenant, le placard est complètement vide, lavé et désinfecté de fond en comble.
Le front soucieux, Calvino susurre : — et le sac du linge sale, où est-il ?
— Il est là tout prêt auprès de la porte. Puis-je m’en aller, maintenant ?
— Apportez-le tout de suite à la laverie automatique, s’il vous plaît…
Quand la porte se referme, Calvino se dirige vers le placard. Il appuie son oreille contre une des deux portes. On n’entendait aucun bruit, heureusement. Pendant un instant, il demeure silencieux, puis, avec circonspection, il ouvre les deux portes en faufilant la tête à l’intérieur.
— Voilà, les cafards ont disparu, et Giacomo Leopardi a disparu aussi ! Si je pense qu’il voulait emmener l’Arioste et le berger errant de l’Asie ! il s’exclame, soulagé. Puis, comme foudroyé, il s’arrête au milieu de la chambre : — mon dieu, peut-être je vais devenir fou… c’est la faute de ces bénites Leçons américaines…

14 h 30 : début d’après-midi
Quelqu’un frappe à la porte : — qui est-il ?
Madame Lavinia entre dans la chambre avec une tasse de café, qu’elle la pose sur la table. Ensuite, elle sort.
Calvino saisit nonchalamment la tasse avant de s’accouder à sa fenêtre. La chaleur de la boisson le calme, tandis que la rue c’est une alternance de sourds bruissements, d’appels, de rires explosifs, ne faisant qu’un avec le son des cloches, des klaxons ainsi que le vrombissement sauvage des scooters et des motos. Le ciel bleu c’est une volière.
« Toujours le même chaos romain… » Les yeux sur la montre, il s’assoit à son bureau. « Mon Dieu, il est déjà tard, je dois m’occuper des conférences américaines… » pense-t-il, tout en empoignant un volume relié. Juste à ce moment-là, un gros cafard sort du sucrier, se faufile au-dessous de la serviette en papier, glisse sur la table, frôle la bibliothèque à grande vitesse avant de se couler sous le placard. Entre-temps, un deuxième cafard, encore plus gros, court furtivement sur la chaise tout en frôlant un doigt de l’écrivain, avant de descendre à terre à la vitesse du son et se diriger lui aussi vers le placard…
— Lavinia ! hurle Calvino.
— Oui, qu’y a-t-il ? dit la femme ouvrant grand la porte.
— Téléphonez tout de suite à la Zucchet, il est urgent !
— Sont-ils retournés, donc ?
— Oui, j’en ai trouvé deux autres, mais ils se sont sauvés…
« C’est pire que dans l’Enfer de Leopardi, dominé par les rats, les écrevisses et les grenouilles… ou, pour mieux dire, c’est comme son beau jardin souffrant ! Ou alors comme l’invasion de ma fourmi argentine… Ce sont les spéculations immobilières… c’est le nuage pollué… les réacteurs nucléaires… Le monde est en train de se déformer ! » NOTE 1
— LAVINIAAA !
— Qu’y a-t-il ?
— Avez-vous téléphoné à la Zucchet ?
— Oui, il vient d’arriver !
— Qui ?
— Le mec de la Zucchet, il est déjà là !
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La porte s’ouvre soudainement. Une petite voix de stentor s’impose :
— Bonjour monsieur Calvino, je suis un agent de la Zucchet ! Je m’appelle Pandolfi, mieux connu comme la « flèche », ricane le petit homme aux narines palpitantes.
— Ravi de vous connaître, murmure Calvino, tout en demeurant interloqué vis-à-vis de cette « chose » évoquant un insecte semi-humain et semi-mécanique : une hybridation entre une sauterelle et un explorateur sous-marin, ou plutôt entre un câble électrique et une blatte géante…
« Voilà, j’ai trouvé ! se réjouit-il. Il ressemble comme une goutte d’eau à l’acteur Christopher Walken dans le film « La Souris » ou « Ne réveillez pas une souris qui dort » (1997) NOTE 2.
Après une rapide étreinte de la main, l’homme endosse une espèce de masque et, muni d’un extincteur, se glisse silencieusement dans le placard tout en refermant les deux portes. Peu de temps après, la chambre est transpercée par un long sifflement, évoquant une fuite de gaz. Il se suit une séquelle de bruits secs et déterminés, telles des gifles rebondissant contre les murs.
— Ça va ? Vous allez bien ? demande Calvino, inquiet. Mais, où s’est-elle cachée, Lavinia ?
Quinze minutes après, le placard est étrangement immobile. Dans la chambre, le silence est absolu, même glaçant. De Monsieur Pandolfi, agent flèche de la Zucchet, on n’entend aucun signe de vie.
« Mais pourquoi je suis seul toutes les fois que j’ai besoin d’aide ? » pense Calvino, en s’approchant prudemment au placard… Il s’arme de courage et entrebâille une porte, juste une fissure, pour jeter un œil à l’intérieur… Tout d’un coup, au milieu d’un bruit de pas accélérés on entend une respiration haletante et finalement une voix familière, s’écriant : — y a-t-il quelqu’un, là ? On arrive !

Claudia Patuzzi

NOTE 1 : Voir « La fourmi argentine » et « La nuage de smog », deux contes-morales, où le « mal de vivre » vient de la nature, publiés ensemble chez  les éditions Einaudi, dans la collection « Coralli », n. 221, 1965.

NOTE 2 : Pardonnez-moi cette « licence poétique » : Calvino n’a pas pu voir ce film (1997), car il est mort bien avant. Je me suis autorisée à le citer en l’honneur de l’Arioste, un des poètes préférés de Calvino, qui dans son incontournable Roland furieux avait allègrement introduit un « archibugio » bien avant son invention (quitte à se corriger en le jetant à la mer).

 

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