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décalages et metamorphoses

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Archives de Tag: Zérus

Après Zérus… (Zérus – le soupir emmuré n. 79)

16 lundi Déc 2013

Posted by claudiapatuzzi in zérus, le soupir emmuré

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fin du roman Zérus, ghislain, le soupir emmuré 79, lunes jumelles, merci aux lecteurs, Zérus

luna180

La nuit est tombée. Le roman de Ghislain est terminé et je me retrouve de but en blanc seule, encore suspendue entre mes racines et…  De l’autre côté de la rue une petite lune floue pointe au milieu des arbres :  « Courage ! » semble-t-il qu’elle me dise. « En fin de compte, tout s’est bien passé… »

les photos bureau180

(Cliquez sur l’image pour l’agrandir)

Le chaos règne dans mon bureau  : un enchevêtrement de photos, papiers, feuilles, notes… C’est le monde de l’après création, qui reste suspendu dans l’imaginaire  comme dans un nuage. Le visage triste et souriant de Ghislain bourdonne encore dans  mon cœur comme un insecte amadoué, sur le point de s’envoler..
Deux lunes jumelles me fixent : les deux côtés de la vie ? Le passé et le présent ? Et pourquoi pas le futur ?

doppia Luna180

Un illusion, peut-être…

Claudia Patuzzi

P. –S. Un grand merci à ceux qui ont partagé cette expérience !

Paul VII/V ( Zérus – le soupir emmuré n. 18 )

17 mardi Sep 2013

Posted by claudiapatuzzi in zérus, le soupir emmuré

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le chat botté, paris 1909, paul, Saint Nicolas, tour eiffel, Zérus, Zérus le soupir emmuré 18

Paul VII/V, n. 18,  traduction et nouvelle adaptation du chapitre V de La stanza di Garibaldi, pp. 77-80, Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus – le soupir emmuré). Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

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Cliquez sur la photo pour l’agrandir

Les trois morceaux de la soucoupe de porcelaine représentant la tour Eiffel sont toujours sur l’étagère. Peut-être que je ne devrais pas les garder ainsi, bien en vue. Quelle explication pourrais-je donner si quelqu’un les voyait ? Mais voilà… qui peut les voir ? Ici est mon refuge. Je n’y ai fait rentrer personne. Aucune visite. Et ma mère passe silencieuse sans s’arrêter. Qui sait où Ghislain avait gardé ces objets pendant toutes ces années ? Et combien de fois aura-t-il pris ces morceaux entre ses mains, les serrant avec force pour les réunir ? Ghislain devient-il sorcier ? Avec une attention exclusive, il rapproche les pièces l’une de l’autre, il souffle, il prononce de phrases mystérieuses jusqu’au moment où — miracle ! — une petite soucoupe à café apparaît, ornée avec l’emblème de la Tour Eiffel.
« Pauvre papa ! » soupire-t-il, en regardant la soucoupe, « Garibaldi, je te remercie ! »
Le crépuscule inonde le centre de la chambre, il doit allumer. Derrière les carreaux, les maisons alignées, couvertes d’une brume rose, sont en train de disparaître de la vue.
Ghislain se jette sur le fauteuil de Cyrille. Il imagine qu’il serre les bras d’une chaise électrique. Son visage est terreux. Des rigoles de sueur lui coulent du front. Il a deux cents ans. Moins trois. Moins deux. Moins une… il traverse une galerie terrifiante…
Le jour de la Saint-Nicolas, toute la maison des Mancini était décorée pour la fête. Il avait un peu plus de quatre ans. Ce matin, il avait reçu en cadeau un sabot coloré entouré d’un mouchoir de soie rose, rempli de chocolats. Il y avait un grand vacarme dans le salon. Les cousins bavardaient gaiement dans un coin en ouvrant les paquets, mais les présents, comme toujours, ne leur convenaient pas. S’il s’approchait, ils faisaient une grimace : « Zérus ! Va-t’en ! » Ghislain se retrouvait seul avec son sabot de cacao qui lui brûlait les mains.
Les grands riaient et s’embrassaient avec chaleur. Sa mère était distraite : elle prenait un chapeau dans une boîte et le posait sur sa tête. Elle s’asseyait ensuite sur le bras d’un fauteuil. Elle ajustait le col de son père. Ghislain poussa un soupir : « Oh la la ! Elle est toujours avec lui ! » Oui, il était jaloux, il aurait voulu prendre ce chapeau et le mettre en pièces, puis il regarda son cadeau avec désespoir. Discrètement, il décida de s’écarter pour dévorer sa proie. « Si je suis Zérus, vous êtes trop nombreux ». Il se dirigea avec emportement vers la cuisine, dans le garde-manger abrité par un rideau, où se trouvait le panier du chat.
Le vieux Gaston s’était enroulé sur lui-même, en paix avec le monde. « J’ai quinze ans déjà et tu ne vois pas comme je suis vivant ? » Il ronronnait. Ghislain le caressa. « Moi aussi je suis vivant, même si je suis un zéro… » Il avait réussi à défaire avec les dents le ruban et à ne pas déchirer le mouchoir lorsqu’il entendit des bruits furtifs dans la cuisine. « Est-ce une souris ? » demanda-t-il à Gaston.
La cuisine n’était plus vide. Autour de la table se tenait Agathe, la tante qui sentait toujours l’eau de Cologne, et deux autres oncles prétentieux. Elle était occupée à sortir des papiers de l’étagère et les montrait à ses frères.
Ghislain se concentra avec peine sur le paquet jusqu’à ce qu’il parvint à en ôter le papier, et à plonger une main dans les chocolats. Il en prit un. Deux moustaches marron entourèrent ses lèvres : il était devenu Le Chat botté.
Ghislain aurait voulu plus de chocolat… Son cœur commença à battre la chamade : « Pourquoi cette tante est-elle ainsi bizarre ? »

Agathe tenait serrée entre ses doigts une feuille de papier recouverte de gribouillis noirs, qu’elle montrait, effrayée, à l’un des deux frères : — Tu as vu ? Lis ici.
— Où as-tu pris ce document ?
— Qu’est-ce que cela peut faire ? Je le remettrai à sa place. Alors ?
L’homme s’arrêta un moment pour lire, puis il éclata :
— Mon Dieu, ils veulent…
— Se marier !
— Et nous ? intervint l’autre.
— S’ils font cela, nous n’aurons plus rien ! siffla la femme. Il ne lui a donc pas suffi de l’endoctriner et de venir ici avec ce bagage ?
— De quel bagage parles-tu ? demanda le plus jeune.
— Crétin, tu ne comprends pas ? L’enfant…
« L’enfant ? » se demanda Ghislain, pendu avec les deux mains au rideau du buffet.
— Ils veulent faire cela en cachette, mais ils ne l’ont pas encore fait. Tu comprends ?
Ghislain eut la sensation de voir flotter dans la cuisine ce « Tu comprends ? » Il le vit voltiger dans le désordre des tasses et des plateaux de biscuits, se confondre parmi les odeurs des antipasti, hésiter quelques secondes sur un ruisseau de crème pour se poser finalement sur le front des deux oncles qui murmurèrent, ensemble :
— Nous avons compris !
— Bien, alors…
Agathe était sur le point d’expliquer son idée quand la poignée de la cuisine s’abaissa. L’enfant retint son souffle. La tante eut juste le temps de murmurer :
— Qui est-ce ?
Elle vit Gény et Paul pencher la tête depuis le seuil en demandant :
— Vous avez vu Ghislain ?

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Cliquez sur la photo pour l’agrandir

Une semaine plus tard, à quatre heures de l’après-midi, Paul Mancini fut retrouvé raide mort dans sa chambre à coucher. C’était le 12 décembre 1909.
Il était en robe de chambre. Il lisait le journal et sirotait un café dans un fauteuil après avoir mangé du canard et bu beaucoup de Bordeaux. Sa tête était penchée sur le côté, les bras tendus dans une étreinte spasmodique. Les yeux étaient ouverts, avec une expression de muette interrogation.
Le médecin de famille régla l’affaire d’une sentence lapidaire :
— Il s’agit d’un infarctus. Il mangeait et buvait trop.
Avec la même hâte, le notaire lut le testament et la douairière le confirma, le scellant d’un sourire. Personne ne réagit, excepté l’oncle Laurent, qui interrompit la séance en criant :
— Vous êtes des infâmes !
Ghislain sut simplement qu’il devait retourner à Bruxelles chez ses grands-parents, rue de Plaisance. Sa mère était effondrée, elle continuait à l’appeler Paul et elle ne voulait d’aucune manière faire allusion à cet événement soudain. Il ne fut pas emmené à l’enterrement : on ne crut pas opportun qu’un enfant si petit participât tout seul au grand événement de la mort.

Claudia Patuzzi

Paul VI/V ( Zérus – le soupir emmuré – n 17 )

15 dimanche Sep 2013

Posted by claudiapatuzzi in zérus, le soupir emmuré

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Paris 1908, tour eiffel, Zérus, Zérus le soupir emmuré 18

001_torre Eiffel-dis migliorata

L’araignée de fer, croquis de Claudia Patuzzi

Paul VI/V, n. 17,  traduction et nouvelle adaptation du chapitre V de La stanza di Garibaldi, pp. 70-73, Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus – le soupir emmuré). Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

Je serre encore sa lettre entre mes mains. Mon lit est couvert de feuilles. Je penche les yeux sur des lignes serrées, si denses qu’elles semblent demander pardon d’occuper cet espace. L’espace d’une feuille. D’une vie. Je lis encore et je le vois. J’entends ses pas. Je visualise ses souvenirs…
Ghislain va et vient dans son appartement comme un loup en cage. Au souvenir de la confiture, il ne résiste pas, il court jusqu’au frigo et prend un pot de prunes cuites. Mais il suspend son geste. Non, ce n’est pas la même chose… et il repose le pot à sa place. Il a pâli d’un coup. Son visage se contracte, des rides apparaissent sur son front lisse. Un frisson passe sur sa peau claire. C’est le souvenir du sourire adolescent de sa mère. C’est son corps nu et blanc, inaccessible, qui maintenant le possède, comme cela s’est produit bien d’autres fois auparavant.
— Mon Dieu, protège moi.
Dans un éclair, il revoit la scène comme si elle était devant lui, entre le fauteuil et le bureau… Les volets filtraient à peine la lumière, c’était le début d’un matin de printemps. Son père et sa mère étaient près de lui, sur le grand lit à baldaquin aux lourds tissus de brocart… Il se perdait dans ces draperies, pendues au plafond comme le chapiteau d’un cirque. Il enviait ses parents chaque fois qu’il les voyait y monter, ne parvenant pas à dormir.
— Maman, vous dormez dans un théâtre ?
— Oui, Ghislain, ici nous faisons de jolis rêves.
— Pourquoi ne construis-tu pas un théâtre pour moi aussi ?
— Quand tu seras grand.
— Et nous pourrons dormir ensemble ?
— Tous les trois ?
— Non, seulement toi et moi, maman…
Ils dormaient tous les trois dans la même pièce. Une commode régence recouverte d’un miroir occupait l’espace derrière le lit. Il voyait le reflet de son père et sa mère nus l’un sur l’autre comme des blessés qui sursautaient, les jambes entrelacées, dans des gémissements de douleur. Pourquoi papa faisait-il mal à maman ? Ils ne savaient pas, eux, qu’il les voyait. Pourquoi criaient-ils de cette manière étrange ? Ils n’avaient pas froid ?
Un matin, son père se leva soudain.
— Qu’est-ce qu’il y a ? cria-t-il.
Silence. On entendit seulement un souffle étouffé.
La tête de Gény émergea de la couverture : — Que se passe-t-il, Paul ?
— Il y a quelqu’un, ici, dans la chambre. Tu n’entends pas ce souffle ?
À ce souvenir, Ghislain sursaute, touche sa poitrine, sent son propre souffle haletant, rejetant un peu de lait… Puis il ressent la voix de sa mère :
— Je l’entends, Paul.
— Chut ! Peut-être un voleur… Maintenant, il va avoir affaire à moi.
Paul alla prendre le pistolet dans la commode.
— Il est chargé, murmura-t-il.
— Fais attention…
Le souffle inconnu se fit plus fort et s’évanouit dans une sorte de sifflement. Paul était en pyjama, attentif, le doigt tendu sur la détente. Il tourna autour du lit, puis il s’arrêta brusquement.
— Mon Dieu, Paul, qu’as-tu vu ?
Le visage de Paul était pâle : — Mon Dieu, Gény, ce n’est que Gaston, le chat. Il est endormi sur le tapis ! Rassuré, il  sauta sur le grand lit en riant à gorge déployée…
« Et l’araignée de fer ? »
Plus tard, ce jour même, la nourrice des Mancini l’avait habillé d’une marinière. Maman, Paul et l’oncle Laurent envisageaient de faire une randonnée.
— Ne sont-elles pas jolies, ces tasses à café ? avait dit sa mère devant un étalage de souvenirs. Ils étaient maintenant au-dessous d’une énorme araignée de fer.
— Dépêche-toi ! avait crié Paul, déjà prêt à monter.
— J’en achète deux : une pour toi et une pour moi, dit-elle en riant, les cheveux ébouriffés par le vent.
Tous les quatre gravirent les étages de ce monstre.
— Monte, Ghislain, n’aie pas peur, l’encouragea l’oncle Laurent du haut d’un petit escalier de fer.
— Non ! Il ne se séparait pas du bord de la balustrade…
— Prends-le sur toi, Paul.
Il résistait, paniqué à l’idée que sa mère voulait le livrer à la mort.
— Viens ici, ce n’est rien, je te tiens par le bras. C’était son père qui le soulevait et l’emmenait dans cet enfer. L’escalier tournait en colimaçon. Les maisons, au-dessous, se faisaient toujours plus petites. Ghislain risquait d’étrangler son père tant il se serrait contre lui. Il entendit sa mère qui riait derrière eux.
– Nous sommes presque arrivés !
Sur la terrasse, Paul le souleva en l’air comme une plume. Il eut des vertiges : mais qu’est-ce qu’ils pouvaient regarder, puisque tout était aussi épouvantable ? Son père le reposa à terre. Un sentiment de profond découragement s’empara de  lui. Il observa cette bandelette d’argent qui ressemblait à une rivière, s’accrocha à l’horizon brumeux jusqu’au moment où le visage de sa mère se tourna vers lui.
Ghislain ouvre ses yeux : la chambre est vide, l’araignée est disparue. Il pousse un soupir de soulagement, puis il boit à petits coups son café brûlant.

Claudia Patuzzi

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