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Archives de Tag: Zérus 54 deuxième partie

L’usine de Fata (Zérus – deuxième partie n. 54)

14 jeudi Nov 2013

Posted by claudiapatuzzi in zérus, le soupir emmuré

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Celeste, ghislain, juillet 1928, Marche, Saint Antoine, train, usine de Fata, voyage en Italie, Zérus 54, Zérus 54 deuxième partie

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Dessin que j’ai fait dans la première année de collège. (cliquer pour agrandir l’image)

L’usine de Fata I-II/VIII n.54, deuxième partie, traduction et nouvelle adaptation de La stanza di Garibaldi, pp.213-215, Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus – le soupir emmuré. Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

Les kilomètres, les fleuves, les montagnes, les mers servent à séparer les lieux, non les pensées. Les mêmes événements, les mêmes sensations, arrivés ailleurs, presque au même moment, peuvent se propager comme un bruit ou une odeur, volant léger dans l’air ou sur les nuages, dans la lumière inviolée du soleil. Les arrêter ne sert à rien. Ils courent comme les vents. Cependant, quelques-uns ont la chance de les saisir, ne fût-ce que pour quelques instants. C’est alors que se produisent d’étranges coïncidences, que des mondes différents semblent se frôler jusqu’à devenir un seul monde. C’est alors que les choses quelconques semblent perdre leur patine opaque et offrir des trésors enterrés. Ghislain le pensait, tandis que le train, déjà en marche depuis six heures, avançait vers les Alpes et la frontière suisse, au sud.
Ghislain ignorait quel trésor il découvrirait cette année, en cette journée de juillet 1928, durant ses premières vacances en Italie. Il avait presque vingt-trois ans et ne voulait pas encore croire à certaines légendes : que le silence n’est pas éternel, que les morts ressurgissent et peuvent parler dans des chambres secrètes, que les adultes sont des lâches et les parents de grands menteurs.

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Celeste Fata. (cliquer pour agrandir la photo)

Tandis qu’il était en voyage, dans une maison de vingt-cinq pièces, plus semblable à un hôtel qu’à une habitation, une femme se regardait dans le miroir pour mettre des boucles d’oreille de lapis-lazuli. Debout depuis six heures du matin, elle était déjà allée à la messe. C’était la fin d’après-midi d’un été très ensoleillé. Malgré les murs épais et les rideaux tirés, elle ne parvenait pas à réduire la chaleur dans cette maison. Elle enfonça les épingles dans ses cheveux en levant les bras devant le miroir de la commode. Elle vit ses veines bleues à peine saillantes sur la chair maigre et, pendant un instant, elle baissa les yeux, pour ne pas regarder. Un Saint Antoine avec un lys à la main, accompagné d’un petit enfant, l’observait avec bienveillance :
— Ne t’en fais pas, disait-il, je suis là, moi.
Maintenant qu’elle devait courir à la gare accueillir, avec son frère, ce prêtre étranger, elle ressentait le besoin de se faire belle. D’ailleurs, aucune femme au chapeau mal mis n’aurait pu soutenir le regard exigeant de Niba. C’est pourquoi elle mettait les boucles d’oreille avec deux amphores bleues et l’épingle d’argent en forme de tortue.
Elle se regarda longuement dans le miroir, puis elle soupira : son visage n’était plus celui d’une jeune femme dans la fleur de l’âge… trente-cinq ans s’étaient écoulés en silence sans qu’elle n’ait jamais connu l’amour. Son prénom était Céleste, mais tout le monde, y compris sa mère, l’appelait Tatie. Parce que c’était la fille aînée. La prédestinée.
Elle sourit en jouissant d’un plaisir virginal et secret, non moins sensuel. Maintenant, avec ces deux enfants, les fils de son frère, elle avait eu sa revanche. Depuis que la Française était morte, c’était elle, leur « mère » ! Elle toucha sa poitrine virginale, que le lait n’avait pas gonflée, elle lissa la veste à pois et se perdit en fantaisies derrière son miroir. Mais qu’était-il arrivé à saint Antoine ? Le lys de papier était brisé et la main du saint se tendait, vide, pour demander la charité. Céleste secoua la tête. Elle était trop pressée pour penser…

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Celeste enfila une veste de maille sur sa robe à taille basse, mais plissée, pour suggérer les formes… Pourtant, il n’y avait pas de courbes à souligner. En regardant son petit chapeau mis de guingois, Céleste soupira : la couturière s’en était bien sortie avec le modèle de Coco Chanel.

Claudia Patuzzi

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