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Archives de Tag: leçons américaines

Une journée avec Raymond Queneau (Histoires drôles n. 42, Dessins et caricatures n. 37)

18 lundi Avr 2016

Posted by biscarrosse2012 in dessins et caricatures, histoires drôles

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Elisabeth Chamontin, George Perec, leçons américaines, Oulipo, raymond queneau, Umberto Eco

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Dessin de Claudia Patuzzi ( Cliquez sur l’image pour l’agrandir)

Ce dessin à main levée peut nous aider à saisir l’atmosphère de profond respect et intérêt qui ne cesse de se développer, surtout en France et Belgique, autour de l’oeuvre de Raymond Queneau (1903-1976), mathématicien insigne, fondateur de l’ Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), « maître » de George Perec ainsi qu’auteur de nombreux textes littéraires et théâtraux dont « Exercices de style » (1947) et  « Zazie dans le Metro » (1959).
Lors de la « 17e Journée Raymond Queneau… », à Paris (1), l’austère conférencier, assis sur le côté gauche du dessin, arborant un étrange « collier honorifique », vient de montrer aux « amis du Queneau » une médaille en or avec le profil juvénile et rêveur du Maître, où la fantaisie et les contraintes coexistent dans un univers d’idées éclairées… Dans cette rencontre, particulièrement intéressante a été la contribution d’Élisabeth Chamontin : « Au clair de lunettes, ou Pierrot pataphysicien ».
Umberto Eco, traducteur italien de ses incontournables « Exercices de style », considère sa traduction comme un « hommage, humble et dévoué, à un grand artificier qui nous apprend à nous déplacer dans la langue comme dans une poudrière. Avec le mot artificier, on doit entendre Maître de l’Artifice. » (2)

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Dans les « Leçons américaines – six propositions pour le prochain millenium », Italo Calvino cite Queneau et Perec dans le même chapitre, titré « Multiplicité » (3).
Si Perec a été « le plus créatif des participants de l’Oulipo », Queneau – déjà plusieurs années avant, du temps de sa polémique avec « l’écriture automatique » des surréalistes – avait dit : « une autre bien fausse idée qui a également cours actuellement, c’est l’équivalence que l’on établit entre inspiration, exploration du subconscient et libération, entre hasard, automatisme et liberté. Or cette inspiration qui consiste à obéir aveuglément à toute pulsion est en réalité un esclavage. Le classique qui écrit sa tragédie en observant un certain nombre de règles qu’il connaît est plus libre que le poète qui écrit ce qui lui passe par la tête et qui est l’esclave d’autres règles qu’il ignore. » (4)

S’inspirant à la « continuité des formes » d’Ovide ainsi qu’à la « nature commune à toutes les choses » de Lucrèce, à sa métamorphose continue, dans la dernière page de ses « Leçons américaines », dédiée à la multiplicité, Italo Calvino nous confie des mots emblématiques : « Qu’est-ce que sommes nous, sinon une combinatoire d’expériences, d’informations, de lectures, d’imaginations ? Chaque vie est une encyclopédie, une bibliothèque, un inventaire d’objets, un championnat de styles, où l’on peut continûment tout mêler et ranger à nouveau dans toutes les façons possibles… (5)

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Claudia Patuzzi

(1) 12 mars 2016, « 17° JOURNÉE CONSACRÉE À RAYMOND QUENEAU… » Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle (HISTOIRES DRÔLES N° 47)

(2) Raymond Queneau, Esercizi di stile, traduzione di Umberto Eco, 1983, Einaudi Editori, Gli Struzzi, 1983

(3) Lezioni americane, Garzanti, giugno 1988, p. 11

(4) Ibidem.

(5) Italo Calvino, Lezioni americane, p. 120.

Le placard de Calvino/5 : sur la terrasse – dialogues imaginaires n.5

18 dimanche Mai 2014

Posted by claudiapatuzzi in dialogues imaginaires

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Giacomo Leopardi, l'arioste, Lavinia Colmo, le placard de Calvino, leçons américaines, monsieur Pandolfi, Pietro Citati, Roma juin 1985, six conférences, Zucchet

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Italo Calvino, photo de Pepe Fernandez, Paris 1981 (1)

Temps : juin 1985.
Lieu : Centre de Rome, Place du Campo Marzio, à côté du Panthéon ; studio d’Italo Calvino avec terrasse panoramique.
Personnages  : Italo Calvino, l’Arioste, Giacomo Leopardi, monsieur Pandolfi, chargé de la désinsectisation de la Zucchet, et Lavinia Colmo, femme de ménage.
Scène : matin tôt. Sur la terrasse, sur une chaise longue, monsieur Pandolfi de la Zucchet essaie de retrouver les forces perdues. Dans le studio, le poète Leopardi dort ratatiné sur deux chaises. L’Arioste se repose dans un fauteuil assez confortable, tandis qu’Italo Calvino, assis à son bureau, dort lui aussi, la tête appuyée sur les bras.

Soudainement, des clochettes résonnent. La porte s’ouvre d’un coup : c’est Lavinia Colmo, la femme de ménage. Lorsqu’elle voit les deux étrangers, elle lance un cri perçant et prolongé. Calvino se réveille.
Calvino : Lavinia, que faites-vous ?
Lavinia (tout en indiquant Leopardi et l’Arioste endormis) : En voyant ces types étranges… j’ai eu peur !
Calvino : Rassurez-vous ! Ce sont des personnes importantes, qui ont dû faire un long voyage juste pour me voir…
Lavinia (en fixant Leopardi d’un air perplexe avant d’exploser) : Celui-ci sent mauvais ! En plus, il est recouvert de haillons ! Puis elle se dirige vers l’Arioste murmurant: apparemment, celui-ci est juste sorti d’un réveillon de carnaval ou alors d’un musée… Et, dites-moi, cet énergumène ressemblant à un cafard, en train de dormir sur la chaise longue, qu’est-ce qu’il fait dans la terrasse ? Ici on fait des festins !
Calvino : Taisez-vous, s’il vous plaît ! Ils sont tous mes admirateurs… Ne deviez-vous pas vous occuper du petit-déjeuner et du nettoyage ? Ne voyez-vous pas que je gaspille avec vous du temps précieux ?
Lavinia : Je suis entrée juste pour prendre le linge sale dans le placard…
Calvino (en poussant Lavinia vers la porte) : Non, pour l’amour de Dieu ! Aujourd’hui, je dois travailler sans être dérangé, compris ? (en secouant les deux endormis) : Comte Leopardi, monsieur Ludovico, réveillez-vous !
Leopardi (en sursautant) : Qui parle ? Où suis-je ? Où est-il mon ami Ranieri ? Et ma soeur Paolina ? Où est-ce le petit-déjeuner avec les beignets ? Et le vase avec les genêts ?
L’Arioste (chuchotant dans le sommeil, assis sur le fauteuil) : Angelica…ne me quitte pas… Viens ici ! Où vas-tu ? Puis il se réveille d’un coup, en disant : C’est pire que le Palais d’Atlas, un va-et-vient continu… la vie est un labyrinthe… Par un soupir il s’adresse à Calvino : Mais, où suis-je ?
Calvino : Ne vous souvenez-vous pas ? Vous venez de sortir du placard ! Vous êtes à Rome, dans le XXe siècle ! Chut ! J’entends un bruit…, et par une impulsion soudaine, il court ouvrir le placard. Les autres deux l’observent.
Leopardi (se levant de la chaise) : Que voyez-vous ?
Calvino (faufilant la tête derrière une porte) : Je ne vois ni n’entends rien, il est tout sombre ici… peut-être, ils dorment encore.
Leopardi : Mais les Classiques ne peuvent pas dormir ! Ils doivent absolument veiller sur la Postérité, pour qu’ils ne fassent pas des bêtises ! Nous devons nous dépêcher, ce silence-ci m’inquiète…
L’Arioste : Moi, grâce au brigandage de la Garfagnana, j’ai acquis une certaine expérience dans les missions militaires et stratégiques. Si vous voulez, je peux vous donner un coup de main…
Calvino : D’accord, dites-moi…
Leopardi (se mêlant) : Voulez-vous savoir ce que j’en pense ?
Calvino : Mais, en vérité…
Leopardi (s’adressant à Calvino) : Je pense que si nous sommes ici ce n’est pas notre faute ! C’est vous qui nous avez appelés !
Calvino : Moi ?
Leopardi : Oui, vous-même, avec vos livres ! Par exemple avec le « commentaire du Roland furieux » de monsieur Ludovico ! Ou avec ces belles phrases autour de moi, comme l’ oxymoron « hédoniste malheureux »(2), selon lequel je serais une contradiction vivante !
L’Arioste : …et avec votre essai titré « Pourquoi lire les Classiques » (3) !
Leopardi : Et maintenant, avec ces « Conférences » ou comment sont-elles nommées…

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Voici la note d’Italo Calvino avec le six titres des conférences qu’il aurait dû lire chez l’Université de Harvard, Massachusetts (1985-1986).

L’Arioste : « Leçons américaines », comme le dit votre ami Pietro… (4)
Calvino : Calmez-vous messieurs, je dois encore finir de les écrire, il me reste à faire la sixième leçon, ayant pour objet la « consistance »… (5)
Leopardi : Je m’en réjouis ! En ce monde on bavarde trop et l’on se bouffe d’images, tandis qu’on parle très peu de la « consistance »… Mais j’aurais une question directe à vous poser, monsieur Calvino.
Calvino : Allez-y !
Leopardi : Pour quelle raison les Classiques vous ont-ils choisi, vous et votre placard, pour manifester leur malaise ?
Calvino : En vérité, je ne sais pas…
Leopardi : La réponse est évidente. Les Classiques vous aiment, ils sont vos fans ! Avec tout ce que vous avez écrit sur eux, vous êtes devenu leur idole, leur Sauveur ! Leur défenseur !
En ce moment-là, on entend un craquement d’os dans la terrasse…

Claudia Patuzzi

NOTES :
(1) Image imprimée sur la couverture de «Lezioni americane» (Leçons américaines), Garzanti Éditore (première édition italienne juin 1988, quinzième édition juillet 1988), titre  choisi par sa femme Esther Calvino. Le titre que Italo Calvino aurait voulu adopter c’était par contre Six memos for the next millennium. Le livre est apparu dans la collection Du monde entier, Gallimard, le 03-11-1989, traduction de l’italien par Yves Hersant.

(2) Italo Calvino, Lezioni americane, dans la section intitulée « Esattezza » (« Précision »), p. 62.

(3) Italo Calvino, Perché leggere i classici (« Pourquoi lire les classiques »), imprimé par Palomar S.r.l. et Arnoldo Mondadori Editeur S.p.A., Milan,1995; 1° édition « Oscar Opere » de Italo Calvino, septembre 1995, Italie.

(4) Pietro Citati, écrivain-essayste italien, ami de Italo Calvino.

(5) Italo Calvino est mort le 19 septembre 1985 à Siena, avant d’écrire cette sixième conférence pour l’Université Harvard («Norton Lectures »). En dehors des Lezioni americane sortent posthumes les oeuvres  Sotto il sole giaguaro, La strada di San Giovanni, Prima che tu dica pronto, par le soin de la veuve et de collaborateurs.

 

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