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Archives de Tag: Chaussée d’Alsemberg 490

La Chaussée d’Alsemberg II/V (Zérus – le soupir emmuré n. 39)

29 mardi Oct 2013

Posted by claudiapatuzzi in zérus, le soupir emmuré

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août 1915, Chaussée d'Alsemberg 490, Christiane, oncle Léopold, Rosette, Stephane, Suzanne, tante Émilie, Uccle-Bruxelles, Zérus 39, Zérus le soupir emmuré

 

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Ghislain orphelin.

La chaussée D’Alsemberg III/VI n.38, traduction et nouvelle adaptation de La stanza di Garibaldi, pp 159-160, Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus – le soupir emmuré. Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

Bruxelles, le 29 janvier 1988

Chère petite fée,
Comme il est dur pour moi de t’écrire en italien sans aucun écho, comme le coureur cycliste qui file en échappée, ou l’acteur qui attend fébrilement la réplique d’un autre comédien… Quel embarras ! Je suis seul avec les photos muettes : dans quel cercle du purgatoire me mets-tu ?
Mon histoire maintenant : août 1915. Départ de papa, maman et Henriette pour l’Italie : je reste orphelin à dix ans. La tante Germaine était seule désormais rue du Remorqueur et comme elle devait travailler toute la journée comme modiste elle ne pouvait s’occuper de moi. Ainsi, en septembre, j’ai été envoyé chez mon oncle Léopold et ma tante Émilie qui avaient déjà quatre enfants. Rosette, Christiane, Suzanne et Stéphanie, respectivement âgées de neuf ans, sept ans et demi, quatre, deux ans et demi.
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Rosette à 8 ans, Christiane à 6 ans et demi, Suzanne à 5 ans, Stephan à 4 ans. (cliquer pour agrandir l’image)

C’était l’époque de la guerre, peu de nourriture, les gaz toxiques et le travail forcé, un froid terrible, les Flandres martyrisées, pourtant je n’ai manqué de rien : mon oncle et ma tante étaient très courageux.
Ma tante Émilie était une battante : chaque semaine, elle mettait un ample manteau de laine et elle allait à la campagne en quête de pommes de terre et de farine. Au retour, on la voyait avancer avec peine sur le trottoir la tête couverte de neige fondue et de la farine cachée dans la doublure du manteau. Les pommes de terre, elle les mettait dans de grosses poches cousues sous sa jupe qui la faisaient paraître trois fois plus grosse.— Elle est arrivée ! criait-on abasourdis. Je pensais : « Mais regarde, elle est encore vivante ! » Ma tante n’écoutait personne. En nous esquivant, elle entrait avec une furieuse précipitation dans la cave : là, il y avait le four et deux fois par semaine nous assistions, le souffle suspendu, à la naissance du pain. Dans cet air lourd d’humidité vaporeuse, la tante Émilie ressemblait à une sorcière et nous tous à des répliques affamées de Hansel et Gretel.
Mon oncle en revanche était représentant en chaussures et il partait parfois en province. Il s’enroulait dans de grandes écharpes où il cachait les chaussures les plus précieuses qu’il gardait pendues autour du cou ou attachées autour de la taille avec de très longues ficelles, les plus modestes étant enfermées dans deux gros sacs. Ce n’était pas une entreprise facile, les trains et les gares étaient aux mains des Allemands qui faisaient la guerre même au marché noir des chaussures. Quand on le voyait s’éloigner dans la neige le manteau rempli de chaussures comme un sandwich américain, nous avions les larmes aux yeux.
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Déssin de Claudia Patuzzi

— Fais attention, Léopold ! lui criait tante Émilie depuis la porte d’entrée, ses cinq enfants agrippés à sa taille. En réalité, nous étions quatre filles et un garçon. Le garçon, plus grand et plus vieux que tous les autres, c’était moi. Quand mon oncle partait, je me retrouvais seul avec cinq femmes et une femme de ménage de dix-sept ans…

Un exilé non coupable [1]  


[1] De “exul inmeritus” : signature que Dante Alighieri avait adoptée pendant son exile.

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