• À propos

décalages et metamorphoses

décalages et metamorphoses

Archives de Tag: Canal Saint Martin

« Chez le coiffeur » (dessins et caricatures n.12 )

01 dimanche Juin 2014

Posted by claudiapatuzzi in dessins et caricatures

≈ 3 Commentaires

Étiquettes

Canal Saint Martin, chez le coiffeur, Gare de l'est, Paris

001_Coiffeur 180

cliquer sur l’image pour l’agrandir

À mon arrivée à Paris, j’avais du mal à trouver un coiffeur qui me satisfaisait. D’abord, c’était une question de coupe, ensuite les prix… tout en considérant, il faut le dire, qu’en général, côté coiffeur, Paris était moins cher que Rome… En fait, je changeais d’adresse presque chaque fois que je me rendais chez le coiffeur. Toujours en imaginant de pouvoir deviner – d’en dehors, à travers la vitrine -, si la coupe me convenait et le prix était honnête. Toujours en sortant déçue pour quelque petite chose insignifiante.
Jusqu’à ce que j’ai compris que l’important c’est surtout la juste « atmosphère ». D’abord l’atmosphère du quartier. Ensuite celle de l’atelier du coiffeur.
Il y a trois ans, je me suis aperçue que je n’aime pas trop les beaux quartiers. Par conséquent, j’ai vite établi mon territoire de chasse entre le canal Saint-Martin et la Gare de L’Est, où les coiffeurs affichent des prix pour la plupart abordables. Dès lors, je me rends dans un local assez anonyme et spartiate, illuminé au néon et juste un petit divan pour des attentes brèves… où l’ambiance internationale et souriante me laisse libre de m’évader et de voltiger ailleurs.
Tandis que les autres clientes bavardent avec les jeunes coiffeuses, je demeure silencieuse, les yeux fixés sur un livre, un journal, un cahier ou l’iPhone.

Il y a un mois est entrée une femme qui a immédiatement attiré mon attention. En la regardant, je ne comprenais pas ce qui me repoussait le plus en elle : son visage ? Sa silhouette maigre et osseuse ? Sa façon de s’habiller ? Quelques minutes depuis, j’ai compris la cause de mon embarras : cette femme, ou mieux cette « vieille femme », ce n’était pas une personne âgée quelconque… Il lui manquait le calme, la lenteur, la sagesse, l’habitude à la fatigue ainsi qu’à la douleur, la typique naïveté dans la découverte, comme si c’était la première fois, de petites choses de la vie… Son corps était enveloppé dans un nuage de soie très légère, presque transparente, avec des dentelles en plus d’un vertigineux décolleté sur deux seins flétris. Elle arborait d’ailleurs un gros nez aquilin, une bouche imprégnée de rouge à lèvres, des jambes sèches terminant avec des pieds énormes bien étalés sous les yeux de tout le monde. Pour finir, elle n’avait pas renoncé au charme d’une longue chevelure qu’au moment de son arrivée se présentait comme un mélange décevant de blond et de gris. Elle fumait.
Une heure après, sa voix pleurnicheuse de vieille enfant gâtée ne cessait de frapper dans mes oreilles comme un manteau…
Dès que je suis arrivée chez moi j’ai pris le crayon et le carton : et voilà son portrait-caricature !

Claudia Patuzzi

P.-S. Proverbe italien : « Ce n’est pas beau ce qui est beau, c’est beau ce qui plaît »

Petit vocabulaire de poche (poésie n 1)

12 samedi Avr 2014

Posted by claudiapatuzzi in poésie

≈ 1 Commentaire

Étiquettes

Canal Saint Martin, intervalles N.1, Petit vocabulaire de poche

001_Casecanale180

Le canal Saint Martin (cliquer pour agrandir)

Il y a des mots, petit « vocabulaire de poche »

Partout seule,
partout étrangère,
j’ai compris que les mots
(comme les pierres[1])
ont le pouvoir d’abattre
les langues et les frontières.

Combien de mots tombent-ils bruyamment ?
Combien de mots traînent-ils encore dans le vent ?
Combien d’eux restent sans voix, dans le cachot du cœur ?

Il y a des mots en guise de bateaux
rapides et légers
s’échouant sur la plage de l’autre
tout en arborant le sourire
d’un marin inconnu[2] .

Il y a des mots en forme de flèches,
des mots aigus [3] comme des cristaux,
capables de briser l’écran gris
de l’indifférence et de la résignation.

Il y a des mots à la nature d’oiseaux,
curieux et vagues, [4]
ayant la force de ressusciter l’espoir
que la solitude cache.

Il y a les mots enfantins,
sautillant comme le font les écureuils,
des mots qui nous aident
à retrouver nous mêmes
dans l’enchantement d’un jardin perdu.[5]

Il y a des mots en diagonal,
réfractant nos questions
comme des reflets dans un miroir,
des mots piégés par les mystères
des labyrinthes et des rêves.[6]

Il y a des mots à l’allure d’ondes
qui traversent les derniers refuges
de l’histoire, arpentant tous les enfers
et le cimetières du monde.

Il y a des mots au parfum de fleurs,
rouges comme le sang des innocents,
des mots s’épanouissant
jusque sur les tombeaux
pour nous rappeler l’injustice.[7]

Il y a des mots qui vont en couple
ou en rime, qui nous racontent
(encore, sans jamais nous ennuyer)
des simples histoires :
« amour-fleur-cœur.» [8]

Au fond de tous les mots,
au bout de l’horizon, vous trouverez
les mots se sauvant dans le vent
le vol fou [9] de mots minuscules
se perdant dans l’espace
d’une bulle de savon.

Pour en finir, refoulés qui sait où,
il y a des mots tout à fait inventés
qu’on n’a pas encore reconnus
ni transcrits, et qui poussent pourtant,
comme des poussins dans le nid,
contre leurs coquilles.

002bis-finestra-gatto180améliorè

(cliquer sur la photo pour l’agrandir)

Claudia Patuzzi

(Traduction de Giovanni Merloni)

[1] Carlo Levi [2] Vincenzo Consolo [3] Albert Camus et Jean Paul Sartre [4] Jacques Prévert et Giacomo Leopardi [5] Italo Calvino [6] Jorge Luis Borges [7] Primo Levi [8] Umberto Saba [9] Dante Alighieri

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN

« Une journée normale » ( histoires drôles n.16 )

17 dimanche Nov 2013

Posted by claudiapatuzzi in histoires drôles

≈ 4 Commentaires

Étiquettes

Canal Saint Martin, clochard, histoires drôles n.15, Horace, Lampedusa, normalité

001_alberispogli740

photo di Claudia Patuzzi

« Il faut que j’achète le pain… », je me dis.
Avant de sortir, je jette un œil hors de la fenêtre : le ciel gris est une toile d’araignée tissue de branches raidies, dépourvues de feuilles.
« C’est normal, je me dis, on est au début de l’hiver… »
Les maisons d’en face aussi, elles affichent quelque chose d’étrange. Elles semblent tordues, irréelles…

001bis_case ritoccate740 jpg - copie

Sur le trottoir,  une femme me bouscule.
« Ce n’est rien, c’est normal », je me dis, en massant la main endolorie.
Une odeur de  calmars frits venant du restaurant espagnol voltige dans l’air.
«  Tapas ? »
Mon estomac se contracte.
« C’est normal », je me dis, « Une heure vient de passer. »
J’effleure un petit trou comble de gens, bourré de verres colorés avec d’étranges syllabes. Des Odeurs de sauces au caramel. De la sauce au soja.
« C’est normal, je me dis, c’est le restaurant chinois. »

002_affamato-180 - Version 2

« Ouf, je dois encore m’acheter du pain… », je me dis, tout en observant un enfant ratatiné par terre…
« Le pauvre a été peut-être grondé ou puni ! »
Puis j’y repense : « Mais non, c’est normal, peut-être est-il juste fatigué et qu’il se repose… »

003_bambinosedutoSI rogné - Version 2

photo di Claudia Patuzzi

Sur l’autre côté de la rue, un type essaie d’ouvrir un rideau de fer. En lui aussi je note quelque chose d’étrange. Il ne semble pas réel. Mais, qu’est-ce que ça veut dire « réel ? »
« Mais pourquoi lui faut-il tout ce temps ? C’est normal, si l’on doit soulever un rideau rouillé…», je me dis sans trop de conviction… « Et s’il n’y arrive pas ? »
J’accélère le pas, essayant de regarder tout droit devant moi, l’air affairé comme tout le monde.
« C’est normal », je me dis, « je n’ai pas le temps. »

004_sollevatore serranda740-jpg - copie

photo de Claudia Patuzzi

Dix mètres après, je retrouve mon souffle… « Je suis libre ! »
Suis-je vraiment libre ? N’est-ce qu’une illusion ? Parfois je me laisse traîner par ce que je ne veux pas voir ni rencontrer. Est-ce le trou noir caché au fond de mon esprit ? Est-il l’habitant inconnu qui s’est abusivement installé dans mes pensées ? Est-il le gardien obscur de la normalité ? Un voyou ? Un clochard ?

005_clochard 740

« De ces temps-ci le désespoir rentre dans la normalité », je me dis « partout, dans le monde, c’est la même chose… des gens sans abri ni travail ou du pain… »

Tout d’un coup, je n’ai plus de faim, juste une envie violente de m’abstraire, de lire. Dans un élan soudain, je m’achemine vers une librairie renommée au cœur d’un ancien quartier.
Vingt minutes après, je suis enveloppé par l’odeur rassurante du bois et des livres. Je suis un enfant âgé que le poids du passé réconforte, avec ses gravures illustrées, ses livres anciens et cette vendeuse juvénile qui chuchote à voix basse…
« Voilà, ici tout semble normal ! »
– C’est combien ?
– 30 euros .
— Non, merci, c’est trop cher… je susurre en sortant. Mais où vais-je, maintenant ?
« Psst ! »
« Qui est-ce ? » Je me cogne la tête contre un poteau. Un homme horrible et barbu cligne de l’œil en ma direction.
« Je ne l’ai jamais vu, avant… », je me dis, « Non, ce type-ci n’est pas normal ! Est-il un habitant du quartier ou, au contraire, un misérable échappé de Lampedusa ?

006_barbutobis-740 pilone.jpeg -  - Version 2

photo de Claudia Patuzzi

J’observe autour de moi. Je ne reconnais plus mon quartier, même s’il est toujours le même. Mes yeux ne cessent de regarder chaque détail, mettant à nu tout ce qui détonne. C’est comme si chaque image fût captée par une écographie et que derrière toute chose « normale » il y avait une double strate cachée. Une densité incroyable de significations. Une existence surpeuplée par le soupir anxieux des déshérités de nos temps…
Une demi-heure s’est écoulée. Je panique, car je ne sais plus où que je me trouve. Je me suis perdu. Le silence est juste rompu par un bruit d’eau. Une fontaine ? Mon dieu, sans m’en apercevoir, je suis sono arrivée au canal Saint Martin…
La voix d’un homme énorme étendu sur le parapet du pont  susurre :
« Au secours ! »

007_DEFuomo canale180.jpeg - Version 2

photo de Claudia Patuzzi (cliquer pour l’agrandir)

« Aide-moi à me lever ! » s’écrie-t-il encore.
Je pars à la recherche de secours, mais je ne vois que des monstres… Les maisons tout autour affichent des expressions vives et souffrantes, des yeux et des bouches affreux… Les gens me dévisagent de façon étrange, comme si je n’étais pas normal…
« Non, celle-ci n’est pas du tout une journée normale… » je pense, tout en courant à perdre haleine envers de chez moi, « je n’ai même pas acheté le pain ! »

008_faccia 180che urla - copie2 - Version 2

photo de Claudia Patuzzi (cliquer pour l’agrandir)

Quand j’ouvre la porte, mon chien me fait fête. Je pousse un grand soupir de soulagement.
« Finalement, je suis à l’abri, tout est rentré dans la norme ! »

Mais j’ai encore un doute : « Manger où ? Chez le chinois ou l’espagnol ? Ici à la maison, sans pain, en compagnie du chien ? »

013_ombra di cane740-jpeg - copie

photo di Claudia Patuzzi

P.-S.: Misce stultitiam consilii brevem:/ dulce est desipere in loco.

Mélange toute bêtise de courte durée avec de la sagesse: au moment donné il est agréable de faire des folies.

(Horace, Odes, IV, 12, 27-8)

Claudia Patuzzi

Articles récents

  • Un ange pour Francis Royo
  • Le cri de la nature
  • Jugez si c’est un homme (Dessins et caricatures n. 46)
  • « Le petit éléphant et la feuille » (Dessins et caricatures n. 45)
  • « Le miroir noir » (Dessins et caricatures n. 44)

Catégories

  • articles
  • dessins et caricatures
  • dialogues imaginaires
  • histoires drôles
  • interview
  • Non classé
  • poésie
  • voyage à Rome
  • zérus, le soupir emmuré

Archives

  • juillet 2017
  • avril 2017
  • février 2017
  • décembre 2016
  • novembre 2016
  • juillet 2016
  • juin 2016
  • mai 2016
  • avril 2016
  • mars 2016
  • mai 2015
  • avril 2015
  • mars 2015
  • février 2015
  • janvier 2015
  • décembre 2014
  • novembre 2014
  • octobre 2014
  • septembre 2014
  • août 2014
  • juillet 2014
  • juin 2014
  • mai 2014
  • avril 2014
  • mars 2014
  • février 2014
  • janvier 2014
  • décembre 2013
  • novembre 2013
  • octobre 2013
  • septembre 2013
  • août 2013
  • juillet 2013
  • juin 2013
  • avril 2013
  • mars 2013

Liens sélectionnés

  • analogos
  • anthropia
  • aux bords des mondes
  • blog de claudia patuzzi
  • colors and pastels
  • confins
  • era da dire
  • flaneriequotidienne.
  • Floz
  • il ritratto incosciente
  • j'ai un accent !
  • l'atelier de paolo
  • L'éparvier incassable
  • L'OEil et l'Esprit
  • le curator des contes
  • le portrait inconscient
  • le quatrain quotidien
  • le tiers livre
  • le tourne à gauche
  • le vent qui souffle
  • les cosaques des frontières
  • les nuits échouées
  • Marie Christine Grimard
  • marlensauvage
  • métronomiques
  • mots sous l'aube
  • passages
  • paumée
  • Serge Bonnery
  • silo
  • Sue Vincent
  • tentatives
  • trattiespunti

Méta

  • Inscription
  • Connexion
  • Flux des publications
  • Flux des commentaires
  • WordPress.com

Propulsé par WordPress.com.

  • Suivre Abonné
    • décalages et metamorphoses
    • Rejoignez 2 120 autres abonnés
    • Vous disposez déjà dʼun compte WordPress ? Connectez-vous maintenant.
    • décalages et metamorphoses
    • Personnaliser
    • Suivre Abonné
    • S’inscrire
    • Connexion
    • Signaler ce contenu
    • Voir le site dans le Lecteur
    • Gérer les abonnements
    • Réduire cette barre
 

Chargement des commentaires…