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décalages et metamorphoses

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Archives de Catégorie: dessins et caricatures

Caricatures, portraits, illustrations

Une rencontre à République (Histoires drôles n. 40, Dessins et caricatures n. 36 )

11 vendredi Mar 2016

Posted by claudiapatuzzi in dessins et caricatures, histoires drôles

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Marianne, Olympe de Gouges, Place de la République, street-art

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Claudia Patuzzi, tableau, oil, 2016 ( cliquer pour agrandir)

— Qui est-elle ?
— …en train de courir comme une folle…
— Voyez comment elle est tout émaciée, elle semble sortir d’Auschwitz !
— Et ses cheveux ?
— Ils sont rouges, ébouriffés comme des flammes…
— Elle semble fâchée…
— Êtes-vous aussi en train de regarder cette femme ? Elle est assez étrange…
— Quoi ? Dites-moi, s’il vous plaît, de qui vous parlez.
— Pardon, Mademoiselle, cela ne vous regarde pas !
— Voilà des gens bien éduqués, au revoir !
— Les gens se mêlent toujours…
— Exactement… regarde, cette furie a changé de trottoir, maintenant elle est en train de s’approcher…
— Mon Dieu ! il me semble de la reconnaître…
— Médée ?
— Non… Elle ne tuerait jamais ses propres enfants !
— Cassandre ?
— Non, même si elle affiche un air déprimé…
— Une des Érynies, alors ?
— Arrête avec ces citations classiques, tu as trop de fantaisie ! Peut-être, elle doit tout simplement se rendre chez le coiffeur…
— La révolutionnaire Olympe de Gouges guillotinée sous le Terreur ?
— Pas de tout, son buste sera installé salle de Quatre-Colonnes, un des lieux les plus fréquentés du Palais-Bourbon…
— Une… clocharde ?
— Presque…
— Voilà, j’y suis… elle ressemble à quelqu’un que j’ai déjà vu… Mais je n’arrive pas à saisir qui elle est.

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      ( cliquer sur la photo pour l’agrandir )

— Oui, j’aurais dû le deviner tout de suite : c’est la Marianne, elle demeure au sommet du monument de Place de la République !
— Mais bien sûr, vous avez raison, c’est elle, la statue ! Elle vient juste de descendre du piédestal !
— Ne vois-tu pas qu’elle change de couleur ? Par moments, elle est voilée de bleu, puis de rouge et de blanc…
— …comme le drapeau français !
— Savais-tu que tu es très intelligent ?
— Je vais m‘émouvoir… Ma patrie… Paris… la France !
— Je me demande où elle va.
— Suivons-la !
— Chut ! Elle rentre dans le boulevard…

La femme s’approche d’un homme assez bizarre, tout recouvert de bandes, assis sur le trottoir près d’un de ces nouveaux arbres encore jeunes qu’on a plantés dans la place. Il a un journal dans les mains… Elle le caresse…
— Mais qu’est-ce qu’elle fait ?
Un clochard murmure : — elle est partie consoler son fils : le 2015 !

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Mark Jenkins (États-Unis), sculpture en ruban adhésif et journaux, en trois dimensions, Séoul, Corée du Sud, 2010. (cliquer sur la photo pour l’agrandir)

Claudia Patuzzi

Où est-ce qu’on a mis la lune ? (Histoires drôles n. 39 – Dessins et caricatures n. 35)

03 jeudi Mar 2016

Posted by biscarrosse2012 in dessins et caricatures, histoires drôles

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(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Où est-ce qu’on a mis la lune ?

— Qu’est-ce que tu as ? Tu te sens mal ? Qu’est-ce que tu regardes hors de la fenêtre ? Il est noir…
— Rien d’important… T’en es-tu aperçue ?
— De quoi ?
— J’ai rêvé de la Lune : elle s’encastrait au milieu de deux immeubles d’en face…
— La Lune ? Laquelle ?
— Comment ? Tu demandes « quelle Lune » ! Mais c’est la Lune qui est en haut dans le ciel !
— Et alors ?
— Est-ce que tu ne comprends pas ?
— Je comprends seulement que tu es en train de vieillir et que tu délires… Je dois défaire la table et tu as oublié de prendre le « gerontovital » ainsi que le comprimé contre les cauchemars…
— C’est vrai… Voilà, j’ai tout avalé, as-tu vu combien je me soigne ?
— Tu n’es pas sérieux, tu es un abruti !
— Abruti ou pas, cette nuit nous n’avons pas eu la lune ! Le ciel était vide !
— Peut-être y a-t-il la nouvelle lune… tu t’es trompé !
— J’ai consulté le calendrier lunaire accroché dans la cuisine, aujourd’hui on a prévu la pleine lune !
— Qu’est-ce qu’il t’en fout  ?
— Cela me regarde, au contraire, ne vois-tu pas ?
— Où ? Tu es fou, d’ici peu ce sera jour. (La femme ouvre la fenêtre à contrecoeur.) Au lieu de me laisser dormir, tu me fais faire des choses inutiles, tu ne fais qu’empirer…

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(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

— Regarde !
— Quoi ?
— Devant toi, en cet espace serré par deux maisons énormes, en face !
— Et alors ?
— La lune à cette heure-ci devrait être là, elle a toujours été là dans ce quartier de ciel…
— Maintenant, elle n’y est pas, cela veut dire qu’elle s’est déplacée.
— Mais la lune ne peut pas se déplacer où elle veut…, c’est impossible.
Sans la lune, adieu poésie ! Regarde : la lune s’est encastrée au bout, au milieu de deux maisons ! Voilà pourquoi le ciel était vide…
— Mais, dis-moi un peu une chose : mais qu’est-ce que tu as à faire, vieux et laid que tu es avec ces banalités ? Tu délires ! Elle ferme la fenêtre et allume la télévision.
Le mari cache son visage dans ses mains et s’assied sur le canapé, puis il lève la tête, les yeux humides.
— (en susurrant) Un ciel sans lune sera toujours noir, même s’il y aura les étoiles… et la poésie, où finira-t-elle ?
— Ouf, si tu veux je te prépare un café.
— Un café à cette heure ?
— Qui va plus dormir désormais ?

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(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Claudia Patuzzi

P.-S. La poésie et le monde d’aujourd’hui ne vont pas d’accord !

TEXTE EN ITALIEN

Ne vous inquiétez pas… (Dessins et caricatures n. 34)

01 mardi Mar 2016

Posted by biscarrosse2012 in dessins et caricatures

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Caravan petrol (1958) (°)

Caravan petrol, caravan petrol,
caravan petrol, caravan petrol,
caravan…
M’aggio affittato nu camello,
m’aggio accattato nu turbante,
nu turbante a’ Rinascente
cu o pennacchio rosso e blu…
Cu u fiasco ‘mmano e o tammuriello
cerco o petrolio americano,
mentre abballano e beduine,
mentre cantano e ttribbù..

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Comme sì bello
a cavallo a stu camello
cu o binocolo a tracolla,
cu o turbante e o narghilè…
Uè, si curiuso
mentre scave stu pertuso,
scordatello, nun é cosa:
cà o petrolio nun ce sta…
…
Comme sì bello
a cavallo a stu camello
cu o binocolo a tracolla
cu o turbante e o narghilè!

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                    ( cliquer  sur l’image pour l’agrandir )

Cu o fiasco ‘mmano e cu o camello,
cu e gguardie annanze e a folla arreto
‘rrevutà faccio Tuleto:
nun se pò cchiù cammenà…
Jammo, é arrivato o pazzariello!
s’é travestito ‘a Menelicche,
mmesca o ppepe cu o ttabbacco…
chi sarrà st’Alì Babbà?

 

Comme sì bello
a cavallo a tu camello…(ecc.)

(°) Cette chanson de Renato Carosone (1958), ici chantée par Massimo Ranieri, a été classé en Italie comme « chanson contre la guerre »…

 

« Ascension au Centre Pompadour » (dessins et caricatures n. 33)

14 jeudi Mai 2015

Posted by claudiapatuzzi in dessins et caricatures

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caricatures, Centre Pompadour, Centre Pompidau, Claudia Patuzzi 2015, dessin

001_ascension-180« Ascension au Centre Pompadour » (15 maggio 2015) : feutre rouge, staedtler pigment noir.  (cliquer pour agrandir l’image)

002_le lit en alcove de la marquise, (chateau de Versailles)dans sa chambre - Version 2

Le lit en alcove de la marquise Pompadour ( Châteu de Versailles )

Claudia Patuzzi

« À Carnaval on peut faire n’importe quelle blague ! » ( dessins et caricatures n.32 )

03 mardi Mar 2015

Posted by claudiapatuzzi in dessins et caricatures

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1968, carnaval, Che Guevara, dessins 1966, Gian Battista Vico, Paris, Rome

001_testaindiano180  . 1965Tête d’un indien, février 1966 (cliquer pour agrandir l’image)

Juste hier, le denier jour de février, j’ai trouvé par hasard, effeuillant mon vieux journal de 1966, d’étranges dessins représentant des masques amérindiens ou aztèques, un drôle de personnage coiffé d’une espèce de fez, des pierres précieuses et des ailes de papillon coupées. Sur le fond paraissaient ces inscriptions : « le carnaval des âmes anciennes ! »
« Carnaval aux mille couleurs ! »
« Carnaval des morts ! »

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Un Africain avec le fez et une pierre précieuse : « Le carnaval des âmes anciennes ! Le carnaval de mille couleurs ! » (cliquer pour agrandir)

« C’est bizarre ! » Je me suis dit « …dès lors, beaucoup d’années se sont écoulées. Maintenant, je me retrouve justement dans le mois de février, en 2015. Le mois du carnaval, des masques… c’est exactement ce que dit la dernière phrase : « le mois des morts. » Mais voilà qu’une espèce de chape descend sur mes pensées. À présent, ces rebelles années 1960, ces luttes juvéniles semblent extrêmement lointaines. Leur retentissement optimiste, leur rébellion spontanée contre les préjugés et la mentalité guindée qu’on appelait « bourgeoise » semblent s’être évaporés, engloutis dans l’entonnoir obscur du passé ou dans les flux et reflux des « retours éternels de l’histoire », comme le disait le philosophe Gian Battista Vico.
Combien de reflux de racisme a connu l’histoire ? Combien de crises économiques et de révolutions et contrerévolutions ? Combien de massacres ?

003_farfalla1 -180 copie« Aile de papillon » avec pierre précieuse : « Carnaval aux mille couleurs ! »
(cliquer pour agrandir l’image)

Quand j’ai dessiné ces gueules vernies et parées de plumes, j’allais déjà mettre en crise ma foi religieuse. On était encore deux années avant 1968, mais la « révolution juvénile » voltigeait déjà dans l’air, au-dessus des estomacs nourris par le bien-être économique, tandis que ma chambre sentait les cigarettes comme un cinéma de quatrième catégorie et qu’un très bel homme — Che Guevara — haï par mon père, souriait irrévérencieux depuis une porte de mon placard. Les tiroirs débordaient de jeans et de foulards de coton indien, tandis qu’une quantité de livres proliféraient à grande vitesse sur de longues étagères : Gide, Bernanos, Sartre, Kafka, Dostoïevski, Shakespeare, Poe, Tolstoj, Gogol, Melville, Hemingway, Leopardi, Calvino… Un panneau, avec l’affiche de la femme nue de Corot, trônait au-dessus de la table. Partout des bandes dessinées… et beaucoup de journaux intimes. Pas d’internet ! Pas d’iPhone. Rien de rien. À L’époque, il y avait juste des téléphones noirs et d’énormes ordinateurs tels des dinosaures obèses renfermés à l’intérieur de monstrueux palais inconnus aux chambres invisibles…

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«Tête d’un Indien aztèque » février 1966 (cliquer pour agrandir l’image)

Et pourtant, combien de légèreté y avait-il dans l’air ! Combien de fantaisies et secrets ! Voilà que quelques chagrins s’engouffrent dans mon esprit… maintenant, je ne vis plus à Rome, mais à Paris. Les derniers événements tragiques de cette nouvelle année m’ont encore plus liée à cette ville d’adoption, forte et courageuse. Cela me projette de plus en plus dans le présent… Comme si le cercle interrompu du passé reprenait son chemin difficile, avant de se refermer dans un « tout »… « Hic et nunc », « ici et maintenant » : ce n’est que comme ça que je veux vivre, ce n’est que cela que je désire : me transformer. Le passé a déjà gonflé pour suinter ses rêves, ses projets, de nouvelles œuvres… c’est comme si j’avais grimpé au sommet de l’Everest en quête d’un horizon possible entre les nuages et que je voyais, de là-haut, l’« autre côté ».

005_alafinale180-1965 - copie « Petite aile brisée » : « carnaval des morts ». (cliquer pour agrandir)

Peut-être, ces étranges ailes coupées et déchirées m’aideront à voltiger comme un papillon au milieu de cette bouillonnante réalité…

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La page complète, dessin en stylo-feutre, stylo à bille et crayons de couleurs, 1966
(cliquer pour agrandir)

Claudia Patuzzi

Texte et photos de Claudia Patuzzi

« Mots de pierres » ( dessins n. 29 – poésies n. 4 )

07 samedi Fév 2015

Posted by claudiapatuzzi in dessins et caricatures, poésie

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dessin, femme, lapidation, pierre, poésie

001_lapidation180 « Que celui d’entre vous qui est sans péché, lui jette la première pierre » (cliquer pour agrandir)

Tu es la femme assassinée
par de mots de pierre,
une ombre abandonnée
sur le sable,
une fleur fanée
dévorée par la raillerie.

Ton meurtre est un spectacle
en direct.
Pas d’effets spéciaux :
juste l’écran éblouissant,
comblé de soleil…
le chœur d’hurlements de la foule…
le lancement d’une pierre…

002_donnaTunisi-72Une femme dans la rue de la Constitution à Tunis. (photo « Libération », 8 janvier 2014)

Cette pierre est une blessure
un cil brisé
une plaie sans remèdes
une vie qui s’enfuit.

Cette pierre en vol
c’est une pensée égarée
un mot qu’on n’a pas dit
un livre qu’on n’a pas écrit
un rêve déchiré en deux
un enfant qui n’est pas né.

003__pietrabraccio180(cliquer pour agrandir)

P.S. Poésie écrite à Rome le 3 juin 2002, publiée dans une « Anthologie » de la poésie italienne en 2003. Ce texte a été partiellement réécrit le 4 février 2015 à la suite des événements du 7 et 9 janvier, à Paris.

Claudia Patuzzi

« Madame Bourgeoise » (dessins et caricatures n.28)

23 vendredi Jan 2015

Posted by claudiapatuzzi in dessins et caricatures

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albrecht dürer, barbara dûrer, batignolles, bourgeoise, Charlie hebdo, dessins et caricatures n 28, Jacques Prévert, Librairie de A à Z, Plantu, rue des Moines

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« Madame Bourgeoise », dessin feutre et plume (cliquer pour agrandir)

Je ne me souviens pas quand j’ai dessiné cette dame hors du temps, avec son étrange chapeau plumé, les gants et ces absurdes bottines. Je me souviens par contre en quelle occasion ou, pour mieux le dire, en quel climat elle a paru dans mon esprit. J’étais à Paris depuis peu, engagée dans l’exploration incessante de nouveaux quartiers et atmosphères.

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Batignolles (cliquer pour agrandir)

Un jour, j’ai découvert Batignolles, que j’ai trouvé d’emblée original, pittoresque, élégant avec son parc magnifique… mais, je l’avoue, un peu rétro aussi, comme si le temps y coulait plus lentement qu’ailleurs et que le passé se fût étendu langoureusement dans ses jardins, dans les boutiques arrêtées il y a 20 ou 30 ans pour se garder françaises jusqu’aux détails les plus sublimes… Même les montures des lunettes des dames laissaient transpirer un goût rétro, comme si elles savouraient le temps dans un bar imprégné de soleil…

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La librairie « De A à Z« , rue des Moines, Batignolles (cliquer pour agrandir)

Dans un instant foudroyant, je compris qu’à Batignolles on n’est jamais pressé. Tout existe pour continuer tel quel, sans modification, sans révolution. Même les odeurs sont parfaites, inchangées malgré le temps. Même le soleil reproduit ses lumières et ses ombres par la même beauté méticuleuse et discrète.
Celles-ci étaient mes réflexions (tout à fait relatives) jusqu’au moment où je vis ma mère bras dessus bras dessous avec une amie de son âge, ayant à peu près cinquante ans ou plus, les cheveux crêpés, encore frais de coiffeur. Rien d’extraordinaire, vous diriez ; et pourtant si ! Cette dame avait le même sac de veau souple, typique des années 1960, le même sac de ma mère ! Je regardai autour de moi… comme si j’étais de but en blanc rétrocédée dans le temps… Ma mère ne pouvait pas être là, parce qu’elle était morte ! Et pourtant, je n’étais pas en train de rêver. Partout, il y avait des femmes « bourgeoises » entre deux âges, doublons de ma mère et de ses collègues de l’école. Partout, j’entendais un petit trot de talons solides et élégants, de coiffeurs et têtes crêpées, et, évidemment, de poussettes et de tout petits chiens… J’étais tombée dans un livre de Prévert !

Madame Bourgeoise : « C’est trop facile, pour vous ! Comment expliquez-vous ce tableau que je traîne par-ci par-là depuis des années ? Qui est-elle cette femme ? Je ne fais que flotter au hasard et je n’ai même pas un sac pour mon mouchoir… »

« Chère madame, cette femme est le portrait de Barbara Dürer, mère d’Albrecht Dürer, le grand peintre et graveur de Nuremberg… Mariée à l’âge de16 ans, elle a eu 18 enfants, dont 16 sont morts très tôt, sauf Albrecht et son frère cadet… »
« Elle a dû vieillir à la hâte ! »
« Ah, oui, pauvre femme ! Nuremberg n’était certainement pas Batignolles ! »
Barbara Dürer (en clignant de l’œil) : « Gare à vous, les femmes ! »
Madame Bourgeoise (tout en rangeant le chapeau et la plume) : « J’étais donc en train de vous dire… j’errais dans l’obscurité quand je me suis retrouvée dans un grand boulevard au milieu d’une foule immense. Tout le monde criait une espèce de nom… on aurait dit qu’ils étaient tous des frères et des sœurs, tandis que moi j’étais seule là-dedans, une pauvre figure de papier un peu chiffonnée. Puis quelqu’un a saisi ma main en disant : « Bienvenue parmi nous ! Vous êtes notre sœur ! » Ensuite, de façon inattendue et miraculeuse, j’ai entendu ma voix en train de vibrer… C’était ma véritable voix, et je chantais et je hurlais à tue-tête avec eux… Une grande émotion ! … Et maintenant, me voilà… »

« Portez-moi quelques crayons, madame, j’ai imaginé une surprise pour vous…vous avez le droit à un sac spécial pour cadeau ! »

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L’évolution de Madame Bourgeoise, dessin crayon et plume (cliquer pour agrandir)

Claudia Patuzzi

 

Drôles de couples (dessins et caricatures n.27)

20 samedi Déc 2014

Posted by claudiapatuzzi in dessins et caricatures

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dessins et caricatures n.27

Je ne me souviens pas en quelle occasion j’ai gribouillé ce morceau de papier. Ce qui est certain, jusqu’à aujourd’hui, je l’ai conservé au milieu de mes anciens journaux. Je devais être extrêmement fâchée. Un exutoire déversé à la hâte sur un quadrillé de grandeur moyenne. J’étais très jeune, en ce temps-là. Maintenant, je suis une extraterrestre essayant de retenir quelques fragments de sa vie inexprimable : un kaléidoscope de haillons et d’échardes, d’odeurs, de saveurs, de douleurs qui devraient fondre à la perfection. Une entreprise plus difficile que la chapelle Sistina de Michel Ange. Nos atomes se transforment, nos émotions se répandent à une vitesse vertigineuse strate sur strate, d’une heure à l’autre, d’une seconde à l’autre, au gré des instants, tout en faisant des folies dans nos veines entre les systoles et les diastoles de notre cœur cher et vieux qui vit et meurt avec nous… PUM ! PUM ! PUM !

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Un énergumène, croquis, 19 juillet 1969 (cliquer pour agrandir)

Mais, que veut-il, cet horrible individu ? Cet être irrépressible et envasé ? À qui s’adresse-t-elle cette langue de feu qui éructe de sa bouche ? Il y a une chose dont je demeure certaine : « la face ne ment point, elle est le miroir du cœur », comme le disait Henri Matisse.

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Le timide, Gribouillis à stylo et feutre, 1969 (cliquer pour agrandir)

En voyant cette langue rouge et pointue, j’imagine ce « Furieux » en train de fustiger sa victime. Ce pauvre individu à la couleur verte désormais ternie, à la tête en forme de poire presque chauve, avec deux yeux écarquillés ressemblant à des puits noirs où la peur sévit… tandis que sa peau est étrangement constellée de petits points rouges : sont-ils les furoncles de mon adolescence ? Ce petit homme timide et apeuré je l’ai trouvé par hasard, dans un autre fragment que j’avais gardé : un quadrillé venant du même journal secret…

Ce couple improbable, ô combien différent vis-à-vis du couple étrange du fameux film de Gene Saks (1968), n’est en vérité qu’une énième réincarnation imaginaire du couple le plus ancien du monde, c’est-à-dire Caïīn et Abel. Un frère contre un frère, un jumeau contre un jumeau, tout comme dans le livre d’Agotha Christov ; le bon et le méchant comme Bud Spencer et Terence Hill… jusqu’au couard Don Abbondio et le prétentieux Don Rodrigo des « Fiancés » de Manzoni… En somme, le tyran et son éternelle victime ; celui qui est vexé et celui qui vexe ; le faible et le fort ; le riche et le pauvre ; celui qui est branché et celui qui est exclu… c’est le couple « bipolaire » : le drôle de couple le plus diffusé dans la société d’aujourd’hui !
Que voulait-il dire, en fin de compte, Victor Hugo sinon cela : « Est-ce que l’homme a, comme le globe, deux pôles ? »
Voilà. Si j’essaie d’imaginer une histoire avec ces deux personnages, je ne trouve rien d’autre qu’un épisode désagréable de mon adolescence, quand je fréquentais la première classe de l’école moyenne.
Une classe de trente élèves peut être considérée comme un test révélateur pour mesurer le thermomètre de notre société. En elle cognaient les unes contre les autres les mêmes tensions, même si le diapason était différent et l’étendue plus réduite. Mais, la violence en elle-même était la même que partout ailleurs.
L’école résidait dans un quartier tout à fait bourgeois. Dans ma classe il y avait une leader antipathique et hautaine, venant d’une famille riche et aussi, hélas ! la fille d’un concierge d’un immeuble assez éloignée de la banlieue de Rome, tout près de la campagne. Elle s’appelait Cotichini (« boudins » en français). La pauvre Cotichini fut bientôt coincée. J’étais la seule à voir en elle une fille sympathique et gentille. Un jour, je me rendis avec elle à la campagne, chez sa famille. Dès lors, elle devint mon amie du cœur et je commençai à la fréquenter régulièrement. Un jour, ma camarade fut transférée dans un autre banc, loin de moi. Je me souviens précisément de tout ce qui se passa alors, comme dans un film. Je tournais le regard autour de moi, de côté et d’autre. Tout était figé dans une immobilité affreuse. Personne ne voulait occuper la place restée vide à côté de moi. Personne ne m’adressait plus la parole. Je frissonnais par le froid : j’étais au Pôle Nord ! Les invectives de mes camarades, qui s’en suivirent comme des souffles gelés, glacèrent mes veines : « tu nous as trahies ! Va-t’en ! » « Tu es devenue sale comme Cotichini, tu n’es qu’un boudin ! » De but en blanc, j’étais devenue une Cendrillon qu’on n’admet pas à la fête. Je finis pour tomber malade. Je me cloîtrai dans mon appartement, muette comme un poisson. Mes parents me scrutaient au jour le jour, de plus en plus émerveillés. Une semaine s’écoula, jusqu’à ce que ma mère m’extirpe la vérité. Rien à faire, je ne voulais plus revenir à l’école. Le dixième jour, une lettre arriva, signée par la leader, avec ses excuses personnelles ainsi que celles de toute la classe. La lettre était contresignée par la Directrice. Quand je retournai à mon banc, j’y retrouvai Cotichini m’accueillant par un sourire affectueux. Personne n’osa plus proférer un seul mot…
Parfois, pour changer l’ordre des choses, il suffit de l’action d’un seul homme. Cela peut bouleverser l’équilibre obtus de la ségrégation, de l’exclusion plus ou moins violente. Si tous ces « un seul » s’unissaient dans une multitude de « plusieurs seuls », la menace de ces pôles magnétiques serait de moins en moins redoutable tandis que, peut-être, « les solitudes glacées des pôles humains » (Jules Verne) petit à petit se dissoudraient…

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Boulevard Magenta, « Sans-abri » qui dort près de Naturalia (cliquer pour agrandir)

Claudia Patuzzi

La dormeuse (dessins et caricatures n 26)

18 mardi Nov 2014

Posted by claudiapatuzzi in dessins et caricatures

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Federico Fellini, Freud, Huit et demi, L'interpretation des rêves, la dormeuse, songe

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La dormeuse de jour : dessin au feutre, crayon, pastel et vernis rouge.
(cliquer pour agrandir)

Le sommeil est un mystère.
Jusque de mon enfance j’y parvenais par des rites propitiatoires assez compliqués, des prières, des inspections soignées. Le sombre c’était le Noir absolu, un abîme encore plus obscur que la Cayenne et plus profond que le Puits de Saint-Patrice, à l’opposé du soleil aveuglant de mon Van Gogh — mon idole — ainsi que de la Lune pleine me souriant dans les nuits lumineuses du mois d’août.
Le sommeil a toujours été, pour moi, soudainement aveugle, un problème presque insoluble.
Pour me rassurer, je gardais bien éloignées les barres du rideau enroulable. Puis, de façon imperceptible, je plongeais dans les rêves, qui prenaient souvent l’aspect d’une jungle menaçante ou d’un marais trouble et gélatineux où la nuit coulait dans un éclair. Une double vie, où je volais au ras du sol, dans le couloir, ou dans l’obscurité de l’espace, tout en effleurant la Lune.
Plus tard, après une lecture gourmande de « L’interprétation des rêves » de Freud, je pris l’habitude de les transcrire au réveil…
Jusque là, une chaîne ininterrompue de rituels a tissu la maille de ma vie nocturne, constellée d’étoiles filantes, lunes noires, leurres et désenchantements. De temps en temps, Dieu venait à mon secours avec l’élan biblique du Moïse de Michel Ange : « Expose bien un désir, et je l’exaucerai ! »  me disait-il ; et je lui répondais : « je ne suis qu’un avorton, mon Seigneur ! Rends-moi belle comme ta mère ! » Dieu hochait la tête, puis susurrait intérieurement : « tiens ! Combien est-elle présomptueuse, la petite !… » Tout de suite après, il haussa ses épaules en disparaissant dans le sombre…
Dès lors, il n’est plus revenu.

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Avec le temps, je suis devenue plus rusée. Pour me dérober à mes fantômes, j’en ai inventé de faux. De gracieux et drôles lutins phosphorescents ont peuplé, petit à petit, mon chevet de nuit. Une étrange lumière verte enveloppait mes rêves de plus en plus colorés. Puisque Dieu était parti, je pouvais me créer un au-delà sur mesure, avec des fantômes et des anges à la portée de la main… que je pouvais confronter avec la lumière du jour ou avec le rythme haletant et étonné de ma vie. Ce fut ainsi que je commençai à écrire et dessiner sur d’étranges journaux…

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La dormeuse de nuit (cliquer pour agrandir)

Me voilà ici, finalement, sans aucun fétiche en noir et blanc… Maintenant, la nuit a cessé de se disputer avec moi. Mes petits défenseurs phosphorescents veillent sur moi. Je peux me détendre entre la vie et la fausse mort du rêve comme une bayadère sur un hamac-toile d’araignée au milieu de deux grands arbres de Ginko Biloba. Le temps n’existe plus. C’est moi le temps. Une mouche encastrée à jamais dans une goutte d’ambre qui pourtant rêve encore de voler…

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La scène onirique du vol dans « Huit et demi » de Fellini.
(cliquer sur l’image pour l’agrandir)

Guido fuit de sa voiture, en voltigeant dans l’air, mais sa fuite est empêchée par la corde liée autour de son pied. Un homme au-dessous tire la corde, en le faisant descendre à terre. Qu’est-ce que cela signifie ? Guido voudrait se dérober à ses responsabilités, mais il ne peut pas le faire.
Et nous, où sommes-nous en train d’aller ? Où est-elle notre « corde » ? Qui va la tirer ?

Claudia Patuzzi

« Peut-on prendre une langue par la queue ? » (dessins et caricatures n.25)

11 mardi Nov 2014

Posted by claudiapatuzzi in dessins et caricatures

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Égypte, CLE international, dessins, langue française, langue italienne, Luxor

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Gribouillis tracé au feutre, 2014
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Depuis ma naissance à Rome, j’ai toujours parlé la langue italienne, tandis que je n’avais fréquenté jamais ma langue « maternelle ».
Ma mère, née assez tôt à Bruxelles, quand le français était encore une langue primordiale en Europe, m’a « caché », plus tard, la langue française, devenue pour elle un tabou lié aux mauvais souvenirs de sa première enfance, dont la mort de sa mère à la fin de la Grande Guerre…
Moi, au contraire, je suis née tard, en Italie, dans le boom économique, en pleine euphorie américaine.
J’ai étudié le grec, le latin et l’anglais, qui devenait juste de mon temps scolaire la langue de la consommation future, de la télévision, des gratte-ciel, des films d’Hitchcock et de Frank Capra… Le français voltigeait, quelquefois, sur les lèvres de ma mère, en quelques chansons, chez le tailleur, à la cuisine et dans quelques exclamations… Une langue invisible et, pourtant, toujours latente. Comme une brume légère.

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Égypte, Luxor, Ouverture des portes des chapelles dorées par l’équipe des fouilleurs grâce à la découverte des Anglais Carter et Carnarvon, le 17 février 1923. Cette photo évoque pour moi la découverte d’une autre langue inconnue, donc d’un trésor. En « Christian Desroches Noblecourt, Toutankhamon, éditions PYGMALION, Paris, 1977. (cliquer pour agrandir l’image)

Pendant un voyage en Égypte, emportée par l’enthousiasme, j’ai acheté près de Luxor un grand livre illustré (288 pages) au sujet de Toutankhamon et de la Vallée des rois, écrit en français. J’ai terminé la lecture en peu de jours, dans un état d’exaltation irrépressible : j’avais compris la signification de presque tous les mots ! Peu de jours depuis ma rentrée à Rome, j’ai fait un rêve : je me trouvais dans la vallée des Rois, devant des hiéroglyphes que je déchiffrais parfaitement…
Encore aujourd’hui, la lecture et la compréhension du français écrit sont étrangement faciles pour moi, tandis que l’usage courant de la langue française et de sa prononciation reste en arrière…
Le nœud de la langue se desserre très doucement. C’est à moi de la saisir par un nœud coulant !
De quelle méthode vais-je me servir ? Peut-être l’étude d’une vieille et robuste grammaire…

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Grammaire enfantine par Claude Augé, Librairie Larousse, Paris, juin 1911 (cliquer pour agrandir)

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L’Écolier paresseux, p. 40, Grammaire enfantine par Claude Augé, Librairie Larousse, Paris, juin 1911 (cliquer pour agrandir)

Ou alors une méthode plus moderne…

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(cliquer pour agrandir)

Quand on parle du loup, on en voit la queue ! On dit cela lorsqu’une personne survient au moment où l’on parle d’elle.
Est-ce que je parviendrai à m’accrocher à la « queue » de la langue française ? Mais, peut-on prendre une langue par la queue ?

Claudia Patuzzi

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