Le canal Saint Martin (cliquer pour agrandir)
Il y a des mots, petit « vocabulaire de poche »
Partout seule,
partout étrangère,
j’ai compris que les mots
(comme les pierres[1])
ont le pouvoir d’abattre
les langues et les frontières.
Combien de mots tombent-ils bruyamment ?
Combien de mots traînent-ils encore dans le vent ?
Combien d’eux restent sans voix, dans le cachot du cœur ?
Il y a des mots en guise de bateaux
rapides et légers
s’échouant sur la plage de l’autre
tout en arborant le sourire
d’un marin inconnu[2] .
Il y a des mots en forme de flèches,
des mots aigus [3] comme des cristaux,
capables de briser l’écran gris
de l’indifférence et de la résignation.
Il y a des mots à la nature d’oiseaux,
curieux et vagues, [4]
ayant la force de ressusciter l’espoir
que la solitude cache.
Il y a les mots enfantins,
sautillant comme le font les écureuils,
des mots qui nous aident
à retrouver nous mêmes
dans l’enchantement d’un jardin perdu.[5]
Il y a des mots en diagonal,
réfractant nos questions
comme des reflets dans un miroir,
des mots piégés par les mystères
des labyrinthes et des rêves.[6]
Il y a des mots à l’allure d’ondes
qui traversent les derniers refuges
de l’histoire, arpentant tous les enfers
et le cimetières du monde.
Il y a des mots au parfum de fleurs,
rouges comme le sang des innocents,
des mots s’épanouissant
jusque sur les tombeaux
pour nous rappeler l’injustice.[7]
Il y a des mots qui vont en couple
ou en rime, qui nous racontent
(encore, sans jamais nous ennuyer)
des simples histoires :
« amour-fleur-cœur.» [8]
Au fond de tous les mots,
au bout de l’horizon, vous trouverez
les mots se sauvant dans le vent
le vol fou [9] de mots minuscules
se perdant dans l’espace
d’une bulle de savon.
Pour en finir, refoulés qui sait où,
il y a des mots tout à fait inventés
qu’on n’a pas encore reconnus
ni transcrits, et qui poussent pourtant,
comme des poussins dans le nid,
contre leurs coquilles.
(cliquer sur la photo pour l’agrandir)
Claudia Patuzzi
(Traduction de Giovanni Merloni)
[1] Carlo Levi [2] Vincenzo Consolo [3] Albert Camus et Jean Paul Sartre [4] Jacques Prévert et Giacomo Leopardi [5] Italo Calvino [6] Jorge Luis Borges [7] Primo Levi [8] Umberto Saba [9] Dante Alighieri
TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN
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