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décalages et metamorphoses

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Archives Mensuelles: août 2013

Paul I/V (Zérus – le soupir emmuré – n. 12)

29 jeudi Août 2013

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bruxelles, eugénie, Grand Place, Paul mancini, Place de la Constitution, quartier des Marolles, rue Saint Eloy, Zérus le soupir emmuré

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Paul I/V, traduction et nouvelle adaptation du chapitre V de La stanza di Garibaldi, pp. 61-63, Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus (le soupir emmuré). Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

Bruxelles, le 18 décembre 1977

Il était une fois, un enfant, qui comme beaucoup d’autres vint au monde un jour x du mois x de 1905. Un mystère parmi tant d’autres. Déjà, pourquoi le petit Ghislain Balthasar devait-il naître justement ce jour-là de ce siècle-là à Bruxelles au lieu de Pékin ou de Buenos Aires, de parents blancs, à cette époque et non deux mille ans plus tôt ou beaucoup plus tard ? Pourquoi moi, suis-je moi justement ? De quelle mère, de quel père ? Un hasard fortuit d’une rencontre fortuite entre une très jeune Belge et Paul Mancini, un Corse d’une trentaine d’années, de passage à Bruxelles…
Et ainsi, j’ai dû entrer dans la vie sans mon consentement à ces conditions. Je n’ai même pas mérité de porter le nom de celui qui m’avait fait naître. Attention : je ne suis en colère ni contre maman, ni contre mon père. C’est une loi, une force de la nature. Peut-on parler de fautes ? Je crois que non. Mais c’est autre chose que de ne pas vouloir donner son nom à son fils : la différence de fortune, les exigences de la famille française n’ont rien à faire là-dedans, il n’y a pas d’excuses…

X

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« X » naquit vers les sept heures du soir, le 19 octobre, tandis que la pluie battait sur les vitres comme un chiffon trempé. La maison de la rue Saint-Eloy était recouverte d’une brume chaude et bienfaitrice venant des cuvettes d’eau bouillante et des nuages de vapeur. Pour voir le visage du nouveau-né, ils durent se mettre à quatre pour amener de l’air en agitant les mains tandis que le médecin de famille, en coupant le cordon ombilical en toute hâte, disait en un souffle avec l’expression grave d’une Némésis :
— C’est un garçon!
Cyrille n’était pas là. Il parcourait l’immense étendue de la Place de la Constitution, vers le centre de Bruxelles. Arrivé à la limite entre les faubourgs et le cœur de la ville, il franchit d’un pas alerte la chaîne des boulevards. Il se retrouva en peu de temps dans les ruelles du quartier des Marolles, où régnait le désordre du marché aux puces puant de moisissure. Imprécations en flamand. À chaque carrefour, il s’arrêtait quelques secondes, de quoi préparer la conversation qu’il allait avoir avec ce traître de Corse.

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« Pourquoi l’ai-je invité à la maison ? » répétait-il pour la énième fois. Mais la logique venait toujours à son secours, le poussant à suivre la chaîne de cause à effet. « C’était en janvier ? En février ? » Il recommençait à compter, cherchant une date, une occasion, une absence injustifiée, jusqu’au moment où un découragement insurmontable s’emparait de lui. C’était seulement alors qu’il avait la force d’épancher sa mauvaise humeur contre ce garibaldien qui avait eu la fausseté de s’asseoir à sa table et de lui prendre sa fille. « Maintenant, il devra réparer ! Au plus vite, sinon… gesticulait-il dans l’air, ses grandes mains tendues dans le vide.
À la fin de ce vagabondage, Cyrille s’arrêta pétrifié. Il était tard, désormais. La rue était déserte. Des fenêtres venait un bruit de voix et de vaisselle. L’air était imprégné d’odeurs de cuisine. « Mon Dieu, quelle ville immonde », soupira-t-il. Dès qu’il eut tourné au coin de la rue, il fut attiré par un scintillement diffus. Une porte d’or dans un égout.
« Nous y voilà, la Grand-Place est proche. »

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La pluie dessinait sur le pavé un miroir irisé qui accentuait les lumières spectrales de cette architecture luxuriante. Séduit par ce spectacle, Cyrille demeura immobile, sans parapluie,  dans la place déserte. Dans un intervalle de temps que l’esprit humain ne peut percevoir que dans de rares lueurs de conscience, un éclair mit à nu le ricanement glacial de la tête coupée de Paul Mancini. Cyrille ne fut pas troublé di tout par cette vision. Il se contenta de rester debout au centre de la place, en attendant que le « criminel » se présente. Une demi-heure plus tard, étant donné que la beauté du lieu ne l’aidait en rien, il cracha par terre fougueusement et, libéré des suggestions inutiles, revint en arrière, plus sombre et furieux que jamais.
Dans la déclaration de l’acte de naissance du 21 octobre, Eugénie apparaît comme parent unique, une jeune femme « sans profession ». En ce qui concerne Paul Mancini, on ne trouve pas de traces. Pourquoi n’est-il pas allé au rendez-vous ? Peur de Cyrille ? Fuite de la responsabilité ? Honte ? Ou plutôt, le mépris des riches devant l’odeur rance de la pauvreté ?
Mon oncle me dit un jour que l’entretien entre Paul Mancini et son grand-père eut lieu plus tard, à huis clos, dans la grisaille un peu morbide du petit appartement de la rue Saint Éloy. Lors de cette rencontre, le catholicisme fanatique de Cyrille dut baisser le front devant les exigences de cette riche famille française : Gény et l’enfant vivraient à Paris avec Paul, mais il n’y aurait aucun mariage. Rendu faible par sa pauvreté, le grand-père de Ghislain dut accepter un compromis insupportable.

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Claudia Patuzzi

Eugénie IV/IV – Zérus ( le soupir emmuré – n.11)

27 mardi Août 2013

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amélie, bruxelles, cyrille, eugénie, henriette, Mancini, mémoire, Zérus le soupir emmuré

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Eugénie IV/IV, traduction et nouvelle adaptation du chapitre IV de La stanza di Garibaldi, pp. 55-59, Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus (le soupir emmuré). Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

 La mémoire d’Eugénie ne ressemblait ni au cul-de-sac de son fils aîné Ghislain, ni au labyrinthe — déformé par les feux d’artifice — d’Henriette, sa fille cadette. Sa mémoire n’était pas horizontale, mais circulaire et géométrique comme un flocon de neige. Elle n’avait pas de vraies directions, mais plutôt des lignes de fuite. Elle n’avait pas de certitudes, seulement des possibilités…
La nuit après les murmures, tout était devenu blanc et silencieux. Les vitres de la chambre de Prosper et Léopold étaient couvertes de buée. La maison plongeait dans le sommeil. Eugénie y repensait à présent avec peur : ils avaient été pris par un besoin frénétique et elle lui avait cédé. Quelques secondes lui avaient suffi pour être déjà amoureuse. Le lendemain matin, quand elle s’était réveillée, la chambre de Léopold était vide. Le lit avait été refait.
— Où est parti monsieur Mancini ? Avait-elle demandé à sa mère.
— Il est parti très tôt, il était pressé. Qu’est-ce que tu as ?
De ce moment-là, elle était devenue l’esclave du temps, elle ne faisait que compter (comptait) les jours et les semaines ou bien elle scandait de folles célébrations solitaires, avec d’étranges contraintes.
« Si je dis cent litanies, il reviendra… Si je m’habille de noir, il reviendra. »
« Si pendant une semaine, je ne mange pas de viande, il reviendra. »
« Si je ne ris plus, il reviendra. »
« Si je ne sors pas pendant une semaine, il reviendra. »
Parmi ces superstitions, elle l’avait inutilement attendu jusqu’au retour des pluies. La nuit, descendait en pleurant dans l’obscurité, devant le miroir. Ou bien elle s’asseyait sur le fauteuil de Cyrille en regardant les rideaux de brouillard éclairés par les réverbères. Deux cernes profonds assombrissaient son regard.
— Tu as vraiment une sale mine, lui disait Amélie, tu dois manger davantage.
Elle se tournait de l’autre côté pour ne pas pleurer. Si par hasard Cyrille parlait de Paul, elle dressait les oreilles, prête à arracher une adresse, le nom d’une rue. Si Amélie revenait de ses courses, elle restait la gorge nouée, le souffle suspendu, dans l’attente de quelque chose.
Un jour, Cyrille ne s’était pas retenu : — Monsieur Mancini vient de s’installer près d’ici…
Elle était sortie en courant, sous la pluie, deux ou trois fois. Mais dans la rue les concierges – en la regardant longtemps avant de lui répondre : « Que cherchez-vous ? » — avaient laissé s’installer un silence plein de sous-entendus…
— On dirait un chien mouillé, avait ri Germaine, en la voyant rentrer.
— Tu as attrapé la scarlatine ? avait ajouté Irma.
Mais Eugénie ne les écoutait pas. Elle se sentait fiévreuse. Elle l’était vraiment, peut-être. À la mi-février, elle commença à aller mal.
— Qu’as-tu, ma chérie ? lui demanda aimablement Amélie en lui portant une tisane de tilleul.
— Je crois que j’ai pris froid, maman…
Un matin, à la recherche d’air, elle avait mis une robe de chambre pour aller dans le jardin. D’un coup,  elle avait entrevu Paul, debout, à demi caché derrière le lierre, en train de lui sourir.
En peu de temps, elle avait repris des couleurs et commençait à reprendre du poids. Cela était bien compréhensible : ils faisaient l’amour tous les jours. L’après-midi et parfois le matin. Elle s’éclipsait avec une excuse hors de la maison ou profitait de l’obscurité du petit jardin. Il l’attendait derrière la grille qui grinçait à peine et elle se glissait dans la maison voisine. Il ne restait que quelques feuilles de lierre coupées.
— Ce lierre ne vaut rien, renâclait Amélie qui, matin et soir, ramassait les feuilles mortes.
Durant un mois entier, elle avait été heureuse. Si Cyrille invitait Paul à dîner, elle faisait semblant de le connaître à peine, improvisant des conversations cultivées et plaisantes. Si Amélie avait l’intuition de quelque chose, elle répondait à ses questions avec une imprécision étudiée, dissimulant son anxiété sous l’apparence de l’ennui.
— Sors, amuse-toi, lui disait sa pauvre mère, qui ignorait tout. Elle s’échappait dans le petit jardin. Le lierre tremblait sous ses mains d’enfant. Un frémissement morbide envahissait l’air de l’appartement tandis que Paul la serrait contre lui. « Cela ne finira jamais… », pensait-elle, en chassant les mauvaises pensées.
Un matin de mars elle avait eu la nausée.
— Tu te sens mal ? lui avait demandé Amélie.
— Ce n’est rien. Juste un peu l’estomac…
Un jour de la troisième semaine de mars, tandis que Paul dégrafait son corsage, elle s’était donnée du courage et lui avait dit à brûle-pourpoint :
— Je n’ai plus mes règles, je suis enceinte.
Dès lors, elle ne l’avait plus revu. Des mois étaient passés. Le petit jardin d’à côté était désert et la petite porte fermée à clé. Son ventre avait grossi. Cependant, personne ne s’était aperçu de rien.
Aux premiers jours d’octobre, elle ne pouvait plus se cacher pour esquiver le regard de son père. Ses dimensions étaient telles qu’un vendredi Cyrille demanda à sa femme :
— Est-ce qu’Eugénie va mal ? Les titres dans lesquels il avait investi s’étaient écroulés et son esprit était vide.
Sa femme répondit péniblement, baissant les paupières :
— Non, Cyrille, non…, tandis que son mari, glacé, conscient désormais de ce qui s’était produit, détournait le regard.
— Mon Dieu, alors c’est vrai ? Comment avez-vous pu ?
Ce furent les dernières paroles qu’Amélie entendit de Cyrille avant la naissance de l’enfant.

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Eugénie Balthasar

Claudia Patuzzi

Eugénie III/IV ( Zérus – le soupir emmuré n.10 )

25 dimanche Août 2013

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AmélieMolitor, bruxelles, cigars Leman, Cyrille Balthasar, eugénie, germaine, juillet 1905, Prosper, Zérus le soupir emmuré

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Bruxelles, Les Marolles, Photo de Claudia Patuzzi

Eugénie III/IV, traduction et nouvelle adaptation du chapitre III de La stanza di Garibaldi, pp. 50-55, Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus (le soupir emmuré). Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

Mais ce « secret », initialement partagé par les seules Amélie et Eugénie, se propagea dans la petite maison de la rue Saint-Éloi avec la rapidité de l’éclair, tandis que Cyrille, enroulé par l’épais rideau de fumée de ses cigares, ne s’apercevait de rien.
Chaque recoin de la cuisine et des chambres des jeunes filles était occupé par des conciliabules ,  qui ressemblaient aux complaintes des religieuses, interrompues de loin en loin par les cris espiègles de Germaine. Ces soulagements momentanés n’empêchaient pas un lourd silence de régner dans l’appartement au retour de Cyrille, lorsqu’Amélie, ayant rangé les travaux d’aiguille sous les coussins, accourait vers l’entrée pour l’accueillir. À ce climat « stupidement féminin », Cyrille réagissait avec une méfiance animale en reniflant dans l’air la présence d’une menace « étrangère ». Que manigançaient-elles ces femmes ? Un jour, après une brève réflexion, il s’écria : — Zut, elles ne sont que de moucherons !
Un pareil aveuglement se justifiait par un autre secret, ou plutôt, une véritable obsession pour le mathématicien malheureux. Obéissant aux conseils de gens sans scrupules, il avait investi ses épargnes en actions peu fiables, qui baissaient chaque mois davantage. Tourmenté par cet enfer, le journal ouvert sur la page de la Bourse, il s’appliquait dans son fauteuil à faire des conjectures compliquées. Après il se levait, allumait son cigare favori et s’agitait dans la maison. Et cette habitude de laisser des traces n’importe où prit de telles proportions que Germaine et Irma s’amusaient à deviner son parcours en suivant les cendres qu’il laissait tomber, tous les trois ou quatre mètres, en petits tas parfaitement réguliers sur le tapis et sur l’escalier.

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Photo de Claudia Patuzzi

Début juillet 1905, à Bruxelles, le thermomètre indiquait 31 degrés. Obsédés par la chaleur étouffante, les Balthasar se réfugiaient dans leur jardin minuscule comme une flaque verdâtre, qui se trouvait derrière l’appartement. Là-bas, un lierre anémique se penchait avec effort sur la treille du jardin voisin en recouvrant péniblement une porte rouillée. Une chaise longue, appartenant à Cyrille, trônait au centre de ce coin désolé avec une petite table et deux sièges de fer battu. Dernier décor, une ombrelle attachée à un séchoir. Ce jour-là Gény lisait. L’ombre du parasol couvrait ses yeux, empêchant ceux qui la -regardaient de comprendre ses pensées. Cyrille était étendu sur la chaise longue et fumait un cigare.

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— Cyrille ! Amélie était apparue à la porte de derrière.
— Qu’y a-t-il ?
— Éteins ce cigare. Tu ne vois pas que tu déranges Gény ?
— Et alors ? Ce n’est pas la première fois que je fume.
— Il serait temps que tu t’arrêtes.
Cyrille se tourna pour regarder sa fille.
— Cela te dérange ?
— Non, papa, répondit-elle en levant les yeux de son livre.
Le regard de Cyrille reflétait la couleur froide, gris ardoise, des toits aux premières lueurs de l’aube.
— Que lis-tu ?
— Un écrivain américain…
— Toujours cette maudite Amérique !
Amélie les regardait, égarée. Mais Cyrille continua :
— Quand arrêteras-tu de ne lire que de mauvais romans ?
— Ce n’est pas mauvais, tiens papa, lis-le ! dit Eugénie, brandissant le livre comme un pistolet. Elle était debout. Une chemise recouverte de dentelles lui faisait une silhouette informe.
La bouche ouverte, Cyrille la regarda pendant un instant, tandis que la cendre de son cigare se détachait en tombant dans la corbeille.
— Où est le corset ? Pourquoi ne l’as-tu pas mis ?
— Il fait chaud, papa, les vêtements serrés me gênent…
— Le thermomètre indique trente-et-un degrés, s’interposa Amélie, tandis que Cyrille essayait de ramasser son mégot. Il s’arrêta, la main suspendue entre l’herbe et le panier de laine, en lorgnant sa fille de dessous le guéridon.
— Il y a quelque chose d’étrange, Amélie.
— Ramasse ce cigare, Cyrille…
Le cigare restait entre les pelotes de laine, tandis que Cyrille se saisissait des accoudoirs de la transat comme des baïonnettes de guerre.
Eugénie se tenait debout, prête à combattre, lorsque Cyrille éclata : — Mais qu’est-ce que vous avez ? La chaleur vous a monté à la tête ? En voilà une qui s’habille comme au carnaval, ma femme ne veut pas que je fume et les deux autres se mettent à marmonner dès qu’elles me voient et Prosper…
— Qu’est-ce qu’il y a, papa ? Prosper apparut derrière sa mère.
— Tu es déjà revenu ?
— Oui, j’ai fini plus tôt que d’habitude, donc…
— Je voulais dire que tu es toujours en train de bavarder avec ta sœur ces derniers temps… Dis-moi, qu’as-tu acheté ?
— Moi, en fait… Prosper essaya de cacher l’étiquette d’un magasin de jouets connu.
— Ce sont des gâteaux ! hurla Amélie en saisissant le paquet.
— Avec ce que cela coûte… bougonna Cyrille.
Mais l’attention de tous se porta sur la chaise longue : une puanteur de chair humaine s’élevait de la corbeille de laine tandis que les pelotes se ratatinaient comme des citrons moisis.
— Mon Dieu, un incendie ! Hurla Prosper en bousculant une chaise.
— Mon tricot ! Cria Amélie.
— Je m’en occupe, maman, répondit-il en s’emparant d’un coussin.
La confusion était générale. Cyrille, se sentant coupable, éventait les alentours et aidait Prosper, tandis qu’Amélie se perdait en instructions inutiles. Seule Eugénie semblait regarder cette agitation avec le calme d’un spectateur.
— Si Dieu le veut, c’est fini ! Conclut Cyrille, se passant un mouchoir sur le front. Après cette sentence, il alluma un autre cigare et, méditatif, il rentra.
Quand il disparut dans l’embrasure de la porte, Amélie ramassa les citrons déformés ; puis, presque en larmes murmura : — C’étaient pour lui et maintenant ils sont tout brûlés.
Gény sembla se réveiller d’un rêve :— C’est peut-être un présage, maman, peut-être qu’il ne sera pas heureux…
Un charme désagréable voltigeait dans l’air.
— Malheureux ?  Foudroyé par un doute, Prosper se retourna soudain. Alors, le vieux a su ?
— Sois tranquille, il n’a rien découvert, chuchota Amélie.
— Mais il soupçonne quelque chose… dit Prosper.
— Je pense qu’il la trouve trop grosse, soupira Amélie en regardant Eugénie.
— Alors, bouffe Gény. Fais la goulue ! Insista Prosper.
— Prosper, va vite acheter deux gâteaux, l’interrompit Amélie.
— C’est bon, maman, je n’ai pas besoin d’argent. Je suis le parrain, c’est à moi de penser au chocolat !
— Chut, tais-toi, ton père pourrait t’entendre ! dit Amélie, avant de le pousser dehors.
À ce moment, la plus petite des Balthasar rejoignit le groupe : — Mon Dieu, qu’est-ce que ça pue, ici ! Germaine embrassa Prosper, en humant l’air comme un écureuil. Comment va notre petit neveu ? Irma et moi lui avons acheté un nouveau petit complet.
— Vous ne devez pas dépenser de l’argent, l’interrompit Amélie.
— Nous nous sommes disputés. Irma le voulait rose. Moi je préférais le complet bleu.
— Alors ? Rit Prosper.
— Nous l’avons pris blanc.
« Blanc ? » Le regard d’Eugénie se plongea dans une lointaine nuit de janvier. Ce dimanche-là, il y avait de la neige…

Claudia Patuzzi

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Photo de Claudia Patuzzi

Eugénie II/IV (Zérus – le soupir emmuré n. 9)

23 vendredi Août 2013

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bruxelles, eglise Saint Pierre-Paul et Guidon, eugénie, George Rousse, rue Sain Eloi, Zérus le soupir emmuré

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Bruxelles, Grand’Place, photo de Claudia Patuzzi

Eugénie II/IV, traduction et nouvelle adaptation du chapitre IV de La stanza di Garibaldi, pp. 45-50, Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus (le soupir emmuré). Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

Quatre mois après ce froid dimanche de janvier, la procession de la Pentecôte remplissait le parvis de l’église de Saints Pierre-Paul-et-Guidon. La rue Saint-Éloi était envahie par l’écho étouffé des chants. Amélie était assise sur le fauteuil, le regard fixé sur un horizon aveugle. Toutes les filles étaient à l’église avec leur père, elle seule n’avait pas voulu y aller, prétextant un soudain mal de tête.
« Cela est arrivé quand ? » Elle poussa un grand soupir, ferma les yeux, puis commença à compter. « Était-ce ce soir-là, après l’invitation à dîner, ou en février, lorsqu’il est revenu ? Je le dirai à Cyrille… »
Quand les jeunes filles revinrent de la messe, elle n’en eut plus le courage. Tandis que son mari lisait le journal et que les deux sœurs cadettes changeaient de tenue, Eugénie et elle conspiraient dans la cuisine.
— Ne te fais pas de soucis, maman, c’est à moi de le lui dire.
— Quand ?
— Demain matin, lorsqu’il se lève.
Cette nuit-là, Eugénie ne parvenait pas à dormir. Assise sur le lit, elle était restée éveillée pendant plus d’une heure, à regarder le visage détendu d’Irma et la touffe de cheveux de Germaine pointant de dessous le coussin avec une colère de chat sauvage, tandis qu’un sifflement imperceptible remuait son couvre-lit. Peut-être rêvait-elle de ses premières règles. « Je veux être une femme comme toi, tu verras ce que je ferai !» avait-elle hurlé un jour.
Eugénie lui effleura les cheveux d’un baiser et repensa aussitôt à ce dimanche de janvier, le « soir des murmures », la première de sa vie… Il était tard et tout le monde se reposait. Sa mère était allée dormir. Elle l’avait entendue s’attarder sur le palier, tendant peut-être l’oreille. Pauvre maman. Au deuxième étage, Cyrille ronflait. Irma et Germaine étaient plongées dans un profond sommeil. Elle était descendue à la recherche d’un livre. Mais était-ce vraiment pour lire qu’elle était allée dans la salle à manger ?
Ce soir-là, elle avait descendu les escaliers par bonds, au risque de tomber, comme elle faisait depuis sa plus tendre enfance, s’amusant à poser les mains sur la rambarde et à rester suspendue dans les airs pendant cinq ou six marches. Ce soir-là, elle ne pensait qu’à cet invité. Quand il l’avait regardée, elle s’était levée d’un coup pour garder le contrôle d’elle-même. Elle avait essayé de parler de Dreyfus, mais en vain. Elle ne faisait que penser à ses yeux. De quelle couleur étaient-ils ? En revanche, elle se souvenait bien de sa bouche restée mi-close pendant leur conversation. De quoi avait-il parlé ? Elle ne le savait plus. Où avait-elle mis le livre ? Il n’était plus sur la table du dîner, ni sur l’étagère, ni sur le fauteuil… C’est alors qu’elle l’avait vu apparaître, lui, surgi de nulle part, comme un voleur, de derrière l’escalier. Il semblait là par hasard, il bredouilla une excuse, mais ce n’était pas vrai : il l’attendait depuis environ une heure, la pièce était remplie de son souffle, comme s’il ne réussissait pas à déglutir… Elle n’avait pas eu le temps de dire un mot qu’il l’avait attirée vers lui en murmurant son nom. Pourquoi n’avait-elle pas crié ? Elle ne le savait pas, tout s’était passé en quelques instants.

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Claudia Patuzzi, « Le portrait », technique mixte sur papier, 1973 

« N’aie pas peur, on monte… avait-il susurré, avant de ressembler ses cheveux en une longue natte. Peut-être avait-elle donné son accord, maintenant elle n’en était plus sûre… Elle savait seulement qu’elle était collée à lui lorsqu’il s’était arrêté au premier étage, le temps de lui demander : « on entre ? »… d’ouvrir la porte sans attendre la (sa?)réponse… et elle s’était retrouvée dans la chambre de Prosper et Léopold, renversée sur un lit, comme dans un rêve, sans la moindre force de réagir. « Ne parle pas, petite, ils peuvent nous entendre…» avait-il murmuré encore, tandis qu’il la mettait sur le dos, les bras abandonnés. Mais cette douceur n’avait duré que quelques secondes, juste le temps de lui baiser les mains… il fut aussitôt sur elle, un visage inconnu et fou, le regard vitreux du noyé. Elle avait touché ses cheveux : ils étaient trempés.
« Chut ! N’aie pas peur… » et pendant ce temps, il lui soulevait la jupe au-dessus des genoux et lui ôtait les bas, l’un après l’autre, elle l’avait laissé faire. Pourquoi ne s’était-elle pas rebellée ? Ses jambes étaient presque paralysées et les yeux, sous les paupières fermées, devenaient de bois. Un invisible aimant la tenait clouée au lit : ses membres s’enfonçaient lourdement dans le matelas tandis que le sang lui tapait dans les tempes. D’un coup, sa jupe avait été relevée. Elle ne voyait plus rien. Un voile violet lui était tombé sur les yeux, aiguisant son désir. Son corps vibrait dans l’attente, tandis qu’il la caressait avec tendresse. Avait-elle poussé un hurlement ? Elle ne s’en souvenait plus. Y avait-il de la lumière ou étaient-ils plongés dans l’obscurité ? Le temps avait disparu, la chambre n’existait plus. Lorsqu’elle se réveilla, ses pieds étaient tendus, libres et perdus dans le vide au dehors du lit. C’était ça, l’amour ? Paul était étendu à ses côtés, comme quelqu’un qui dort. La douce pression de ses cheveux sous son menton l’avait fait tressaillir, mais qui était-ce ? Elle ne le connaissait pas… Sa voix l’avait prise au dépourvu : « Chut, on doit s’en aller, mon trésor, sinon… » Il ne s’était aperçu de rien, il était juste un peu préoccupé : vite, il n’y a pas de temps, continuait-il de dire en regardant sa montre, tandis qu’elle se mouvait péniblement, nageant parmi des objets très encombrants…
Eugénie frissonna à ce souvenir. Qu’allait-il se passer ? Dans un soupir, elle se dirigea vers la fenêtre. L’air froid gifla son visage. La rue était déserte. Un bruit de canne au loin. Un retardataire ivre. Eugénie secoua la tête : elle avait peur de Cyrille… Comment ferait-elle pour le lui dire ? C’était toujours ainsi qu’elle voyait son père, enveloppé dans son manteau gris, une tasse de café bouillant dans la main, un réflexe nerveux qui faisait trembler la tasse sur la soucoupe, tic tic… Son père l’aurait percée à jour tout en continuant de tourner la petite cuillère dans le sucre… Elle ne parvenait presque pas à respirer. Peut-être était-ce la soif qui lui brûlait la gorge.
Quand elle arriva au deuxième étage, elle s’immobilisa quelques instants devant la chambre à coucher de son père. Son cœur battait fort alors qu’elle posait l’oreille sur la porte. Une respiration profonde semblable à des vagues sombres se répandait sur le palier. « Si Dieu veut, il dort encore. »
Eugénie se laissa engloutir par l’escalier. Les pieds nus, elle effleura le fauteuil et buta contre le poignet d’une porte. Au seuil de la cuisine, elle s’arrêta perplexe tout en lorgnant vers la glace : un visage effrayé, décoloré par la lumière de la rue, la regardait fixement. « Mon Dieu ! quatre mois se sont écoulés… », la chemise de nuit glissa de sa poitrine jusqu’au nombril en montrant une demi-lune pâle et gonflée. « Je n’aurai jamais le courage de le lui dire… » Pendant quelque temps elle resta devant le miroir, la main sur le ventre, attendant un verdict, puis, écrasée par ce poids, elle se dirigea en titubant vers la cuisine. Tandis qu’elle faisait couler l’eau le plus doucement possible, la pendule retentit dans la salle à manger. Six coups. La peur l’immobilisa. Ses pieds se collèrent au plancher. « C’est l’aube, il est réveillé peut-être… »
Elle se traîna hors de la cuisine pour rejoindre le bas de l’escalier, mais pas assez rapidement. Elle devait éviter les pas lourds de Cyrille grinçant les planches de bois des marches. On voyait déjà la pointe de son cigare rougeoyant dans l’obscurité. Son manteau gris battait comme un tapis de feutre lourd contre les petites colonnes de bois. La rambarde sifflait à peine sous la grande main sèche, presque privée de marques et de rides. L’anneau d’or résonnait d’un bruit métallique en suivant un rythme précis, toujours plus proche. « Quand il la giflait, l’anneau lui marquait la joue… » Eugénie eut à peine le temps d’entrevoir le noir brillant des chaussures de cuir, qu’elle s’adossa contre la paroi sous l’escalier, se cachant entre le porte-parapluies et le portemanteau.

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Georges Rousse, peintre et photographe, Galerie Claire Gastaud, Tokio 1988, ADAGP 2013. (Libération, 26 juillet 2013)

« Mon Dieu, fais-moi ressembler à une ombre, je t’en supplie… » Le corps de Cyrille glissa près d’elle en un fragment de seconde suffisant pour déplacer l’air et perler son front de sueur, puis il disparut dans la cuisine. « Mon Dieu, donne-moi la force de monter… », pensa-t-elle, en s’accrochant de toutes ses forces à la rambarde en bois. « Fais-moi remonter, sauve-moi ! »

Claudia Patuzzi

 

Eugénie I/IV (Zérus – le soupir emmuré, n 8)

02 vendredi Août 2013

Posted by claudiapatuzzi in zérus, le soupir emmuré

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josephine baker, Lavinio, le soupir emmuré, Lido dei Gigli, tuf, Zérus le soupir emmuré

Eugénie I/IV, traduction et nouvelle adaptation du chapitre IV de La stanza di Garibaldi, pp. 43-44, Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus (le soupir emmuré). Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

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Plage de Lavinio, Lido dei Gigli (Rome). Photo de Claudia Patuzzi 

Cela fait trois heures que j’écris. Le ciel est presque blanc tant le soleil éblouit. Pourtant, l’air est encore frais dans la chambre : l’humidité d’un château médiéval suinte sur les murs intérieurs. De gros blocs de tuf jaune-ocre recouvrent la maison, plongeant dans le gravier avec la force d’une montagne. C’est Rolando qui a eu l’idée du tuf. Il a choisi ces blocs proéminents et irréguliers, percés de trous et de renfoncements comme des grottes naturelles.

— C’est une pierre qui garde le frais, un mur plein comme au temps des Romains, un rocher étrusque, dit-il.

Le tuf est une écorce qui renferme une cheminée peinte, une balancelle de paille et, enfin, la tour de mes rêves. À l’intérieur de cette enveloppe, les murs s’imprègnent d’humidité et de taches comme une grotte paysanne. Des nappes aquifères et des terres détrempées nourrissent le tuf de la maison comme une plante, tandis que taupes et lapins creusent sous elle un piège mortel. L’hiver, chaque chose moisit prenant une odeur de pain rassis. L’été, quand je reviens, je renifle l’air et je regarde les taches. La petite tour en est pleine.

Depuis mon enfance, j’ai vu dans ces taches d’invisibles présences. Si l’on me laissait seule à la maison, j’errais à leur recherche et, si j’en trouvais une, je m’arrêtais brusquement, prenant garde de ne pas la réveiller. Les contours pourraient bouger et prendre forme. Avec le temps, j’ai appris à les trouver n’importe où, même là où l’on ne les voit pas. Pendant bien des années, j’ai cherché la tache de ma grand-mère Eugénie sur les murs de la petite tour en retrouvant son regard mélancolique et ses longs cheveux enfilés, comme des toiles d’araignée, dans les lézardes d’un mur. Un jour, j’ai vu un cheveu poussé par le vent effleurer le sol.

— Qui es-tu ?

— C’est moi, ta grand-mère belge, Eugénie… et au loin, derrière la fenêtre, la voix d’Henriette chantait :

— J’ai deux amours, mon pays et Paris. Paris toujours, mon coeur est ravi…  [1]

  josephine-bakercorretta1

                                                                                            Bruxelles, le 6 juin 1977

Chère petite fée, 

parfois, je voudrais tout effacer pour recommencer du début. Je voudrais me libérer pour toujours de toutes ces taches dont ma vie a été parsemée, mais je ne peux pas les effacer. Ce sont « mes » souvenirs et « mon » destin. Tu me demanderas pourquoi, étant donné que beaucoup sont douloureux. Eh bien ! Si un seul souvenir, même le plus petit, pouvait s’effacer, l’univers resterait une maison vide et inhabitée.

De quelle tache veux-tu que je te parle ? Il y en a tant que je ne parviens pas à les compter. Peut-être devrais-je commencer par la première, quand ma mère est tombée enceinte de moi. C’était l’hiver 1905 et il faisait très froid… Qui peut juger cet événement ? Je sais seulement que le grand-père ne sut rien pendant très longtemps et que tout le monde s’évertuait à cacher la vérité…

Une tache


[1]  Célèbre chanson de Josephine Baker.

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