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décalages et metamorphoses

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Archives Mensuelles: juin 2013

Henriette II/III (Zérus – le soupir emmuré n. 3)

30 dimanche Juin 2013

Posted by claudiapatuzzi in zérus, le soupir emmuré

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Bartolomeo Veneto, belgique, bruxelles, chambre de garibaldi, ghislain, guerre 1915, jardin, labyrinthe, mémoire, Sain François, Zérus le soupir emmuré

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Saint François qui parle aux oiseaux.

Henriette II/III, traduction et nouvelle adaptation du chapitre II de La stanza di Garibaldi, pp. 19-21 Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus (le soupir emmuré). Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

En ce moment-ci je viens de franchir le portail vert avec le petit toit de tuiles rouges. Je salue Saint François avec un faux courage, tandis que la lame affilée du tropique commence à briser mon âme en deux. Après cette frontière, je commence un voyage à rebours dans le temps et, tout à coup, je fais partie d’un système fermé et complet : la fille, le père et la mère.

Je traverse au pas de course le petit sentier qui mène à la véranda et je transfère tout de suite la valise et l’ordinateur dans ma petite tour. J’ouvre le paquet, je pose la petite tasse à café et les trois fragments sur une étagère à côté de la fenêtre. Je mets les photos aux murs. Je sors les rames de papier, j’allume l’ordinateur et je taille mon crayon. Le parfum du café d’orge me réchauffe la main. Je suis enfin prête à écrire. Mais dehors une voix bougonne. Ce n’est pas Rolando. Il ne parle presque jamais. Il préfère le langage des gestes. D’abord, il fauche et il ratisse. Après il s’occupe du jardin et de la dératisation. Enfin, il se plonge dans le rite de l’incinération. La voix que j’entends a en revanche le ton d’une plainte capricieuse. Il n’y a aucun doute, c’est elle. Je la reconnais. C’est la voix de ma mère qui répète à loisir, sans s’arrêter :

— Mais qu’est-ce que c’est que cette machine ? Cela ne sert à rien, ils sont tous morts.

À ce moment-là, je m’aperçois que la grille est fermée et que je suis prisonnière. D’ailleurs, il fait trop chaud pour écrire. Tandis que Rolando s’affaire dans la cuisine, nous nous faisons face dans la véranda, ma mère et moi. Henriette, ma mère, la fille d’Eugénie Balthasar et sœur de Ghislain, a quatre-vingt-trois ans. Chaque jour, elle perd une infime parcelle de sa mémoire. Toutes les choses, les souvenirs, le monde entier lui échappent sur la pointe des pieds, en faisant à peine grincer la porte.

— Qui est là ? demande-t-elle, effrayée, mais dehors il n’y a personne, à part un rideau de brouillard.

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 Disegno di Claudia Patuzzi

Pauvre maman. Quelquefois, je m’arrête un instant pour regarder son visage égaré derrière le vol joyeux d’un oiseau et je me demande : qu’est-ce que la mémoire ? D’où vient-elle ? Où est-elle ? Le cerveau est-il la mère de la mémoire ? Ou bien la mémoire, comme une cathédrale gothique, représente-t-elle un monde à soi fait de petites briques sans nombre devant lequel le nom de celui qui conçut le projet initial s’est perdu pour toujours ? Ce qui compte, n’est-ce pas le résultat, l’œuvre colossale qui élève ses doigts frêles jusqu’à Dieu ?

La même chose, je crois, arrive à notre mémoire. Chacun de nous a un édifice dans sa tête : ce peut être un gratte-ciel américain, une pyramide égyptienne, une tombe étrusque ou une modeste chambre de bonne. En réalité, quel que ce soit l’aspect de l’édifice, chacune de ses briques est un monde enchâssé dans un autre, semblable et pourtant différent, comme un corail à l’intérieur d’une gigantesque barrière.

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Et si la mémoire suivait un fil semblable à la bave des araignées ? Alors, après les pluies estivales, on s’étendrait parmi les feuilles, les buissons et les arbustes, dans les sous-bois, dans les jardins ou sur les terrasses et là où auparavant il y avait une obscurité confuse, apparaîtrait une trace luisante entremêlée à mille autres labyrinthes. Peut-être que nous aussi nous marchons dans des galeries couvertes de stalagmites, parmi des toiles d’araignée. Voilà ce qui se produit à présent pour Henriette. Elle se perd dans ses galeries hors du temps, où chaque événement est entraîné dans des limbes. Quelques-unes de ses boyaux sont meublées, d’autres dépouillées comme si une terrifiante épidémie était venue y sévir. Certaines des plus anciennes ont un toit voûté et quelques restes précieux du passé, tandis que dans les plus récentes les souvenirs liés au présent errent au gré du vent, comme des fantômes, ne laissant que de faibles traces, pareilles à des voiles déchirées.

Quand je vois ma mère dans la véranda, le regard enchanté dans une soudaine jeunesse, je ne me fais pas d’illusion. Je sais qu’elle s’est arrêtée dans une galerie et qu’elle est en pleine observation.

Henriette essaie de se lever, puis reste immobile en l’air. De quoi se souvient-elle, si sa mémoire s’effondre ? Pourtant, elle semble sourire. En ce moment, elle marche dans un souterrain très ancien… Elle est née déjà et elle se voit en Europe du Nord, à Bruxelles. Elle a seulement trois mois et fixe un trou grand comme une aiguille d’où sort un rayon lumineux. Elle se situe dans un landau. Par ce trou merveilleux, son ennui se volatilise. Elle saisit la petite couverture et bat des jambes en l’air. Un enfant pâle, d’une dizaine d’années, lui parle en français.

— Tiens-toi tranquille Henriette, je suis ton frère et je veille sur toi.

C’est le printemps 1915, la guerre a éclaté. Les Allemands occupent la Belgique et Ghislain devra bientôt saluer sa sœur et sa mère. Mais Henriette, bien sûr, ne peut pas le savoir.

— Quand te reverrai-je ? Quand vous reverrai-je ?

C’est la voix de mon oncle qui remplit ce tunnel comme un écho se propageant dans les autres galeries souterraines. Henriette regarde dans le vide tandis qu’elle prononce le prénom de son frère.

— Ghislain… que lui ont-ils fait ?

Claudia Patuzzi

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Bartolomeo Veneto, Portrait de L’homme-labyrinthe, 1510. Cambridge, Fitzwilliam Museum.

Claudia Patuzzi

Henriette I/III (Zérus – le soupir emmuré n. 2)

19 mercredi Juin 2013

Posted by claudiapatuzzi in zérus, le soupir emmuré

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belgique, bruxelles, Caronte, Copernico, Cyrille Balthasar, Galileo, garibaldi, ghislain, italie, stanza di garibaldi, système ptolémaïque, Vulcano, Zérus le soupir emmuré

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Henriette I/III, traduction et nouvelle adaptation du chapître II de La stanza di Garibaldi, pp. 13-18 Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus (le soupir emmuré). Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

Je ne sais pas pourquoi j’ai décidé maintenant, de but en blanc, d’examiner ce que mon oncle m’a raconté durant des années. Je sais seulement que la dernière lettre — avec la petite tasse à café, la soucoupe cassée en trois morceaux et la photo de Garibaldi — est devenue une sorte d’obsession. Ce matin, avec une loupe, j’ai examiné de nouveau la photo. Sur la droite de Ghislain, près du lit, on entrevoit une espèce de pantin — avec un chapeau — qui ressemble à un homme. Y avait-il quelqu’un d’autre dans la chambre? Ce ne peut pas être la même personne qui a déclenché la photo, car l’image a été prise d’un autre angle visuel. Et alors, qui est le responsable de cette photo ? Quelle est cette étrange grille derrière Garibaldi ? Je me pose toujours des questions sans réponse. Il me semble que je tourne à vide autour d’une absurde devinette. Peut-être n’est-ce qu’une moquerie, la dernière boutade d’un vieux farceur, désormais dément… Il ne me reste que les lettres de mon oncle et quelques documents.

Sans hésiter, j’ai enlevé les lettres du fond du tiroir et je les ai classées par dates, en les rangeant dans des enveloppes recouvertes d’étiquettes rouges. J’ai accroché aux murs les photographies que Ghislain m’avait envoyées avec les cartes de Bruxelles et de Macerata, transformant ainsi mon bureau en bazar néocolonial. Ensuite, je suis partie à la recherche d’autres photographies. En fouillant dans les tiroirs, j’ai pris des papiers d’identité, des actes de naissance, des certificats de mariage, des bulletins, des avis de décès, des cartes postales, des journaux intimes et de petits livres universitaires. J’ai pris aussi des plans cadastraux et des actes de notaire, des listes de mariage, des attestations de la marine royale et des titres honorifiques. Puis je les ai enfermés dans une boîte aux emblèmes de la « Villa d’Este ». J’ai contacté ensuite les quelques personnes survivantes, encore en mesure de témoigner sur l’affaire. À la fin, épuisée par les doutes, j’ai pris mon ordinateur portable et j’ai quitté Rome.

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La maison au bord de la mer, c’est ce que dessinent les enfants dès qu’ils ont trois ans : un toit pointu de tuiles rouges, un hublot au centre du tympan, une véranda avec deux colonnes en blocs de tuf, comme un modeste temple de Vesta. Un jardin carré, plus vert qu’une jungle, entoure la maison. On y entre par un portail peint en vert défendu par une faïence blanche et bleue avec un Saint-François parlant aux oiseaux. Franchir cette grille c’est passer le Tropique. Un fil invisible coupe en deux ton épine dorsale et te transforme en un éternel adolescent. Tu redeviens enfant et tu ne peux plus vieillir.Pourtant, il ne s’agit que d’un petit jardin ombragé habité par deux chênes centenaires. Le premier sanglant à cause des cicatrices sculptées sur son tronc de liège, le deuxième tendu, en guise d’ombrelle, sur le toit de la maison pour la défendre de la violence du vent, comme le ferait une mère.

À première vue, la maison semble un simple monticule de blocs de tuf entouré d’un jardin à l’italienne. Mais il ne faut pas se borner aux apparences : juste derrière la maison, au nord-ouest, une petite tour veille, comme une forteresse d’antan, au-delà d’une haie, sur un grand pré sauvage. C’est le côté interdit du jardin, un lieu dépourvu de limites et de règles. Sur cette étendue de ronces, de coquelicots, de ravenelles, les lapins creusent des terriers sur des kilomètres, les vipères sont maîtres des broussailles, le grain meurt égorgé par les épines, l’herbe est envahie par les orties, avant d’être ruminée par les vaches qui viennent paître au crépuscule.

Dans les années cinquante, il n’y avait pas de haie. Seuls quelques fils de fer qui laissaient partout des passages parmi le champ de pastèques et des meules de paille sur lesquelles je m’amusais à glisser. Maintenant, le pré est abandonné. Les spéculateurs attendent qu’il pourrisse, dévoré par l’indifférence et par le temps. C’est là que Ghislain s’est promené à cette époque avec moi, en crottant sa soutane et ses chaussures de cuir, tandis que je courais et faisais mine de me perdre. — Ne cours pas, petite fée, ne cours pas, s’écriait-il, mais j’étais méchante et je le laissais seul au milieu du champ. Il se mettait alors à ramasser des plantes grasses, charnues comme des doigts, il remplissait sa soutane de grandes fleurs violettes qu’il offrait à sa sœur Henriette. Elle le remerciait, puis les jetait discrètement dans la poubelle. À l’orée de la pinède, je me retournais en arrière. Je le voyais rentrer rapidement à la maison, trébucher parmi les buissons et les ronces, une tache noire dans le jaune des navets et le rouge des coquelicots. Je le saluais alors une dernière fois avant que le maquis ne m’engloutisse. Au crépuscule, je reprenais le chemin de la maison. Quand j’arrivais sur la route, je voyais sur le fond une tache obscure. Je courais. L’ombre noire s’agrandissait seconde après seconde. Elle devenait d’abord un oiseau, un aigle ou un faucon aux ailes déployées, puis un phoque avec un ballon sur le bout du museau. À soixante mètres je le distinguais. La tache était mon oncle. L’oiseau était le tricorne qui nichait sur sa tête. Il attendait sur une chaise que je revienne. Dès qu’il m’avait vue, il courait vers moi en criant :— Ma bonne fée, c’est l’heure de dîner ! Je faisais exprès de ralentir le pas, puis je revenais vers le champ de blé près du croisement.

Ceux qui passent dans l’allée côté sud du jardin tôt ou tard s’arrêtent devant la grille aux tuiles rouges pour s’exclamer :— On dirait la villa Borghese ! De ce point-là, on voit effectivement un pré à l’anglaise très bien entretenu, avec des buissons de roses et d’hortensias entre des parterres bordés de sentiers de gravier et de fusain. Au-delà du pin et des deux chênes qui dominent le plateau, il y a un lentisque à la chevelure compacte et bouclée.

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C’est Rolando, mon père, qui pourvoit à tout. Je le vois ratisser les feuilles, les ramasser en tas égaux et en remplir de gros sacs qui s’élèvent en de funèbres pyramides près de la maison. Peu après, j’entends sur le côté est ses pas affairés entre le garage et la cabane à outils. Il répare quelque chose. Le marteau frappe, obsédant et patient. Une trentaine de coups à peu près. La selle de la balançoire ? Le socle en bois de la douche ? Immédiatement après, ses pas font crisser le gravier devant la grille. On entend le bruit d’un ruisseau. Il ouvre les robinets, de l’eau se répand sur le parterre central. Après une demi-heure, il met le tube toujours au même endroit, puis il l’enroule avec précision, pour former un huit. Pour finir, il passe en revue le côté ouest, la haie de pittosporum et les environs du grand chêne menacé par les vers et les insectes.

Rolando a l’esprit d’un gardien. Par sa poigne, il ressemble à Vulcain, le dieu souterrain, le mythique forgeron faiseur de boucliers et d’éclairs divins. Par l’expression de son visage, éternel et terrestre à la fois, il rappelle les personnages de terre cuite des sarcophages étrusques. C’est Charon ? Je ne crois pas. Il vit au paradis, dans un petit éden. Ce n’est pas Caton non plus. Dans son univers, tout se vit sans réflexion ni conscience.

Dans ce jardin, chaque chose, même la plus insignifiante, fait partie d’un « système ». Tout se tient ici depuis un temps immémorial et n’a jamais changé de place. Je me mets alors à penser à Ptolémée. Presque tout le monde croit que son système est aujourd’hui dépassé : la terre était immobile au centre de l’univers, repliée dans une divine harmonie, tandis que le soleil tournait autour d’elle comme un diamant enchâssé dans une boule de cristal. C’est vrai. On a avancé avec les découvertes de Copernic et de Galilée, qui ont d’ailleurs rendu la terre plus humble et moins effrontée, permettant aux peintres de se représenter l’infini sous la forme d’une illusion. Cependant, je soutiens que le système de Ptolémée existe encore et qu’il est souvent pratiqué. Je me réfère, évidemment, à un usage privé. En effet, ce système parvient même à revêtir les formes occultes et ensorcelantes de véritables fétiches. Les gens ordinaires ne s’en aperçoivent pas, parce que souvent ceux que je qualifierais de « Ptoléméens », deviennent extrêmement hospitaliers et aimables, cérémonieux même, lorsqu’ils veulent t’attirer dans leur monde.

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Il « sistema tolemaico »

Tous les « Ptoléméens » ne sont pas les mêmes : ils peuvent être autoritaires ou fanatiques, rêveurs ou bucoliques. Certains poursuivent de dangereuses obsessions capables, avec le temps, de créer d’épouvantables conflits. D’autres engagent des tournois désespérés contre des monstres hypothétiques : c’est le cas de mon arrière-grand-père belge, Cyrille Balthasar. Les plus aimables et inoffensifs sont les rêveurs occupés à suivre leur mère leur vie durant, comme mon oncle Ghislain, ou les bucoliques qui, pourtant, frôlent quelquefois l’ennui et la répétition, comme mon père Rolando. Comme tous les « Ptoléméens », émet parfois de brèves sentences qui se détachent dans l’existence de celui qui l’écoute comme des phares invisibles. Un jour, tandis qu’il balayait les feuilles, il s’arrêta brusquement, et dit : — L’important est de trouver son propre but. Jésus, par exemple, avait l’idée fixe de Dieu. Il y a toujours dans la vie de quelqu’un une idée qui l’accompagne dans le monde et dans ses pensées. La satisfaction alors n’est pas autre chose que d’accorder son idée fixe avec soi-même et d’en faire un but.

Claudia Patuzzi

Ghislain (Zérus – le soupir emmuré n. 1)

16 dimanche Juin 2013

Posted by claudiapatuzzi in zérus, le soupir emmuré

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belgique, bruxelles, garibaldi, ghislain, italie, pacem in terris, pape Jean XXIII, tour eiffel, via nazionale Roma

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Dessin de Claudia Patuzzi

Ghislain I/II, traduction et nouvelle adaptation du chapitre I de La stanza di Garibaldi, pp. 7-10 Manni Editori, 2005, ISBN 88-8176-692-2. Le roman a été traduit en français sous le titre provisoire de Zérus (le soupir emmuré). Tous les droits sont réservés. Pour ce roman Claudia Patuzzi a été sélectionnée pour le prix Strega 2006.

Rome, le 18 avril 1997

Mon oncle,
J’ai reçu ton paquet ce matin. J’ai ouvert la boîte et j’ai trouvé une petite tasse à caffé de porcelaine blanche, une soucoupe brisée en trois morceaux et, en dessous, une photographie si usée qu’on dirait du papier de soie. Tu étais là, avec ton tricorne et ton long habit noir et, à côté de toi, le portrait d’un brigand, un genre de héros avec un’éspece d’auréole derrière la tête. Puis, je l’ai reconnu : c’était Garibaldi…
Une fée qui doute

Bruxelles, le 24 avril 1997

Chère petite fée,
Qui sait combien de questions tu voudrais me poser… Du calme, ton oncle est très vieux désormais, ses mains tremblent, son cœur bat la chamade, même s’il est encore sain d’esprit. Je le sais, une petite tasse n’est jamais qu’une petite tasse, et pourtant, je veux te la donner. Prends-en soin.
Pourquoi ? me demandes-tu. Que vient faire Garibaldi avec un pauvre Belge contraint de vivre emmuré vivant,
pendant soixante-seize ans, dans un Institut en plein cœur de Bruxelles ? Cela ne doit te surprendre en rien cependant : ce fut dans la chambre de Garibaldi que l’affaire, commencée plusieurs années auparavant, connut son fatal dénouement.
Maintenant, le destin m’apparaît plus clair et déchiffrable. À quatre-vingt-douze ans, je vois le passé avec moins d’exaspération, je ne reste pas accroché à ce qui me concerne directement, mais je ramène cela au destin de bien des gens que j’ai connus. Dans la vie de chacun, il y a des situations aux conséquences terribles où nous nous retrouvons pris comme des mouches sans en avoir eu aucune responsabilité…
Une mouche

C’est tout ? C’est donc là son explication ? De quelle affaire parle-t-il? Je suis allée reprendre la petite tasse à café que j’avais cachée depuis presque une semaine — qui sait pourquoi ? — dans le dernier tiroir de la commode, parmi les foulards d’antan. Je l’ai gardée dans ma main en l’observant attentivement. Excepté la tour Eiffel sur le fond, le résultat est toujours le même : une petite soucoupe, avec le même emblème dessous. J’ai réagi avec colère : « Nous voilà de nouveau, il a perdu la tête. »

De mon oncle Ghislain Balthasar on n’a pas su grand-chose, mais il a suffi de trois faits liés entre eux, pour marquer à jamais le reste de sa vie. Le premier a été sa naissance. Le deuxième, l’abandon et la mort de sa mère. Le troisième est ce secret.
Le premier fait — la naissance illégitime — fut considéré comme aussi ignominieux que le péché d’Ève. Avec la perfidie et l’habileté qui distinguent la société humaine, il fut d’abord ignoré avant d’être délibérément effacé. Les années passant, cet événement conditionna l’existence de mon oncle jusqu’à le contraindre au mutisme et, depuis sa quatorzième année, à la réclusion dans le petit noviciat de Overijshe, puis dans l’Institut des Frères Chrétiens à Bruxelles…

Bruxelles, le 16 janvier 1985

Ma petite fée,
Es-tu près de moi ? M’écoutes-tu ? Bien. Je vis en communauté depuis plus de soixante ans. Je n’y trouve pas une longueur d’onde commune, je suis silencieux comme une ombre. Je cherche une consolation dans mes souvenirs, dans ta présence mentale, dans les vieux dictionnaires que je manipule avec dévotion. Et pourtant, je le confesse, après douze années de retraite, je me sens plus tranquille, les exigences de la Règle se sont atténuées et finalement je vis une espèce d’euphorie. C’est une nouvelle naissance et je remercie le pape Jean[1]. N’est-ce pas lui qui a dit qu’il faut distinguer l’erreur de celui qui est dans l’erreur ? N’est-il pas avant tout un être humain ? Dans la communauté, on me connaît comme celui qui parle peu. Les autres ne savent rien de ma blessure : j’ai la pudeur de me taire.
Un innocent qui est dans l’erreur

Les lettres de mon oncle bourdonnent comme des abeilles autour d’un mystérieux événement, sans jamais y entrer. Elles s’arrêtent toujours sur le seuil ou reculent en faisant d’inutiles détours. Garibaldi apparaît et disparaît entre ses mots entraînés par les remous d’une mer en tempête. D’ailleurs, les paroles de Ghislain m’ont trouvée parfois distraite, perdue dans tant de maisons et d’amours divers. Il n’a jamais eu assez de courage pour me raconter la vérité et moi de temps pour l’écouter. Et maintenant, voici cet étrange paquet avec la petite tasse, la soucoupe brisée en trois tessons et la photo de Garibaldi. Même si l’image est très sombre, au centre, on entrevoit une sorte de catafalque qui soutient les genoux de Ghislain, incroyablement pâle dans sa tunique noire. Au-dessus de son épaule droite, à moitié recouverte par le tricorne, le regard perdu dans un rêve lointain, s’élève le Héros des Deux Mondes, avec une sorte d’auréole autour de la tête. Mais ce qui m’a plus frappé dans cette photographie c’est l’attitude de mon oncle. Il regard en direction de Garibaldi qui, à son tour, semble cligner de l’œil gauche en signe de complicité. Un’étrange complicité…

Je fis sa connaissance en Italie par une chaude journée de juillet, dans la maison familiale au bord de la mer. J’avais six ans alors et je mordais la vie à pleines dents. Je me jetais à corps perdu dans les lieux les plus improbables et sous mon bronzage j’étais une petite sauvage avide d’air et de nourriture, qui agitait ses jambes dans des courses surhumaines au coeur des ruines.
Avait-il quarante ou cinquante ans ? Je ne pouvais le savoir ni l’imaginer, parce qu’il n’avait pas d’âge. Il s’était arrêté au second fait — l’abandon — qui l’avait sauvé de la sécheresse, comme un rocher au milieu des vagues. Au lieu de le vieillir, le temps l’avait rendu lisse et glabre comme le ferait le vent avec les pierres plus friables et pointues.
Les premières fois, il portait l’habit des Frères Chrétiens avec le col de toile divisé en deux rabats amidonnés. Un grand tricorne noir donnait à son aspect juvénile une allure du dix-huitième siècle. Par contraste, la blancheur de sa peau ressortait de façon presque outrancière entre le vert du jardin et le marron sanguin du tuf.
Plus tard, avec le progrès de la réforme œcuménique, il commença à s’habiller en explorateur africain. Une chemise beige de polyester, un pantalon couleur kaki et, pour finir, d’horribles sandales de moine qui, sous les rayons du soleil, dessinaient sur sa peau un X immaculé. Dans cette mise, il se promenait en chantant comme un oiseau de campagne. Il tenait un Larousse dans une main et les Fiancés de Manzoni dans l’autre. Il était étrange et même drôle, mais je l’aimais, parce qu’il venait du pays des pluies m’apportant des quantités de chocolat Côte d’Or et de foulards en imitation soie qu’il achetait en cachette à bas prix via Nazionale[2]. Zio Ghislain eut un sobriquet — le facteur — à cause de sa manie épistolaire. Mais je préférais l’appeler mon oncle. En revanche, il commença un jour à m’appeler petite fée, peut-être parce que je le faisais rire plus que les autres, trop sérieux et occupés.
Sa proposition arriva longtemps après ces premières rencontres. Il me raconterait sa vie par lettres, en échange, j’écrirais quelque chose sur lui et sa mère Eugénie, ma grand-mère maternelle. Au début, le projet m’enthousiasmait. Mais, je me sentais déjà une femme, j’essayais de voler avec des ailes de cire qui, au lieu de m’élever dans les airs, fondaient comme neige au soleil. La distance et le temps se mirent entre mes rêves et moi, je devins bientôt distraite et impatiente. Souvent, j’oubliais de répondre à ses lettres.

Bruxelles, le 25 mars 1979

Chère petite fée,
Pourquoi ne réponds-tu pas ? C’est Pâques et je reste ici, à l’Institut, avec les morts, dans cette prison de pierre, en attente d’une réponse qui ne vient jamais. Où est passée, ma muse inspiratrice ? Tandis que le XXe siècle devient fou, je récapitule ma vie en fouillant avec une torche les galeries de ma mémoire. Ma vie bien sûr est très banale. Pourtant, dans cette existence sans couleur, des événements extraordinaires se sont produits, dont un en particulier continue à me brûler le cœur. Tu veux le connaître toi aussi ? Dépêche-toi. Le temps passe et je deviens plus vieux chaque jour, même si je me sens comme un petit garçon. Tu vois que c’est un oxymore qui te parle et c’est aussi ton oncle. Selon l’étymologie, je serais « pénétrant sous une apparente stupidité »…
Un oxymore

Je me souviens qu’au mot « oxymore » j’avais souri : avec ses allusions, ses petits jeux verbaux, il ne disait rien de concret, à part cet « événement extraordinaire ». Faisait-il allusion à sa naissance illégitime ? Ce n’était certes pas une chose assez rare pour exiger le secret. Non, ce fait devait être très grave, une blessure ruisselante de sang ou un flot de larmes si gris qu’il pourrait en rappeler le ciel de Bruxelles. Qu’était-ce ? Je relus la lettre trois fois, puis je l’enfermai dans un tiroir.

Claudia Patuzzi


[1] Avec l’encyclique « Pacem in terris » du 11 avril 1963, ce pape supprima beaucoup de contraintes dans les ordres religieux.

[2]  Rue commerciale de Rome.

008_L’anti-Dürer (histoires drôles n. 8)

10 lundi Juin 2013

Posted by claudiapatuzzi in histoires drôles

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albrecht dürer, antidhüring, engels, francis bacon, george steiner, interview, james hillman, jorge luis borges

001_ L'indeciso_740L’indécis (dessin de Claudia Patuzzi)

L’indécis : « Qui suis-je ?
Voilà une question hamlétique. Il y a des matins où je me perds dans un écheveau de doutes. Je suis éternellement indécis. La certitude tétragone n’est pas d’aujourd’hui. Les mots volent à vélocité vertigineuse, en dépassant le poids presque insoutenable des faits. Quant à moi, mon corps s’amincit et je suis en train de m’exfolier peu à peu, avant de tomber à terre comme une feuille en automne. J’ai même peur de penser. Et s’il lisait dans mon for intérieur ? Quand j’entre à quatre pattes dans la salle de bain, je le regarde de biais, comme un déserteur qui se sauve sous un fil de fer barbelé. Dès que je ne me reconnais plus, seulement une semaine est passée, mais c’est comme si c’était écoulé un an entier. À cet instant-ci, je suis en train de traîner mon corps sous le lavabo, côtoyant le bidet jusqu’aux W.C. « Bon courage, tu-y arriveras ! » je me dis. « Il y a encore trente centimètres ! » Quand je frôle la paroi de l’autre côté, je pousse un soupir de soulagement : « Enfin, je peux me soulever sans qu’il s’en aperçoive… » Peut-être, je n’ai pas été suffisamment clair. Quand je parle de « lui », je veux dire le miroir de ma salle de bain. Un étrange objet hérité grâce à une vieille tante maternelle d’origine vénitienne.

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Le miroir, photo de Claudia Patuzzi

L’indécis : Désormais, ce miroir ne colle plus avec ma véritable image ou, pour mieux dire, mon « visage », la seule chose ne faisant qu’un avec ma peau et ma figure. Sans lifting. Sans maquillage. Le reflet qui chaque jour murmure, avec sa voix rassurante : « C’est toujours moi ! » La semaine passée, ce murmure-là a arrêté, avant de tourner à vide comme un disque bloqué : « je, tu, nous, leur… » Depuis lors, ma figure ressemble à un tableau de Francis Bacon. Une chandelle de cire fondue, où trois niches obscures occupent la place des yeux et de la bouche. Un masque.

003_francisbacon-tete 450-1961 Francis Bacon, Autoportrait, 1961

L’indécis : — Voilà, maintenant je peux lorgner le miroir.
Le miroir : — Je te dis une fois pour toutes : tu n’as pas un visage, ou pour mieux dire, ton visage est vide. Ton image visible ne manifeste aucune vérité intérieure. Tu es incertain. Tu manques tout à fait de caractère. Tu n’as pas de force. Ne sais-tu pas que « la figure est un work in progress ? Un portrait qui évolue dans le temps pour devenir un souvenir indélébile chez les autres ? [1]
L’indécis : Du caractère ? De la force ? Comme si c’était facile en avoir ! Je voudrais essayer de sortir de la salle de bain, pourtant je reste pétrifié par ces mots-là. Le miroir a raison ! Je n’aurai jamais les attitudes irrévérencieuses de Serge Gainsbourg, ni le charisme de Nelson Mandela. Je ne serai non plus un phare comme Louis Borges, ni un point de repère comme José Saramago.
Le miroir : — Tu es le contraire de l’autoportrait de Albrecht Dürer !
L’indécis : — Dürer ? Le grand peintre de la Renaissance allemande ?

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Albrecht Dürer, Autoportrait avec fourrure, 1500, Monaco, Alte Pinakothek

Le miroir : Exactement ! Regarde cet autoportrait et réfléchis ! Conscient de son propre rôle, Dürer se prenait pour un artiste semblable à Dieu. Un Salvator Mundi : Dieu créa l’homme conformément à son image avec des couleurs éternelles… »
L’indècis : — Mais, je ne suis qu’un pauvre Christ ! Je vis dans le XXIe siècle et j’essaie de joindre deux bouts : découvrir le sens caché des mots et m’engager dans des questions sans réponse… Et puis, mon cher, nous ne vivons plus dans la Renaissance, mais après le Sac de Rome, le suicide d’Hitler, l’invention de la télévision, d’internet et de nuages artificiels où nous sommes de plus en plus plongés.

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Albrecht Dürer, La grande motte, 1503, Vienna.

Albrecht Dürer:  Puis-je me mêler dans votre conversation ? J’ai seulement essayé de connaître et de reproduire le mystère de la création de l’art et des lois de la Nature. Quand j’ai peint la Grande motte, j’ai observé chaque chose avec une dévotion presque religieuse : les minces fils d’herbe, les pissenlits, le pampre, l’achillée… Je tremble encore, si je pense à cette émotion merveilleuse !
Après un bref moment d’arrêt, Dürer pousse un profond soupir : « Les couleurs de ce tableau seront toujours les mêmes, tandis que la vraie motte d’herbe se fanera, comme moi… »

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La petite motte (photo de Claudia Patuzzi)

L’indécis : — Vous permettez, monsieur Dürer ? Moi aussi, j’ai photographié ma petite motte. Elle n’est pas parfaite comme la vôtre, mais ces fleurs rouges et ce tuyau rouillé m’ont attiré. Avez-vous vu cette petite fenêtre-là, à droite de la cuisine ? Je me suis toujours demandé quel être pouvait vivre là dedans. Juste une ombre derrière un rideau blanc. Bien sûr, c’est une image modeste, mais, dans son genre, elle aussi a sa force : la force de la réalité nue et crue. L’Antidüring s’est levé ! Excusez-moi,  je voulais dire l’Anti-Dürer, c’est à dire moi… Je n’aurai jamais son génie, cependant on ne peut pas nier à quelqu’un la possibilité de créer quelque chose.
Dürer: L’Antidühring ?
L’indécis : Cela vient d’une œuvre d’Engels en faveur du marxisme, écrite contre un philosophe allemand qui s’appelait Duhring.[2]

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Quant à moi, monsieur Dürer, je pense qu’aujourd’hui la réalité nous échappe. De fait ce qui compte ce sont l’ouïe, les mains, la langue, les cordes vocales et le nez avec lesquels nous écoutons, voyons, parlons, savourons une pomme et jouissons d’une rose… Mais quand on parle d’art, c’est différent. Qu’est-ce que le mieux pour nous ? La motte que je puis toucher, ou celle qu’un peintre a créée ? À quoi servent la littérature, l’art, la philosophie, le rêve, si nous devons tout comprendre trop tôt, dans une pénible poursuite d’informations tourbillonnantes que la logique du marché nous apprête ? Ça ne sert plus à rien d’imaginer dans le vide et de se poser des questions sans réponse. Aujourd’hui, chaque chose semble aller de façon autonome. Le procès, l’évolution artistique sont désormais soumis à la réception de la part des autres. Cela engendre une profonde incertitude. Voilà ! Je suis devenu comme ça, comme vous me voyez : un artiste sans qualité. [3]

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George Steiner (philosophe né à Paris-1929, installé à Cambridge) Interview en « Le monde », 11 mai 2013. 

George Steiner : — Excusez-moi, messieurs, si je vous interromps. Si vous me permettez, je voudrais ajouter une petite observation. « Non. L’œuvre n’a besoin de personne. Walter Benjamin a écrit qu’une œuvre pouvait dormir cinq cents ans et trouver un lecteur : le texte sera toujours jeune. On ne peut donc prétendre que c’est sa réception qui le crée. Voyez la musique de Vivaldi, qui est maintenant le tapis sonore du quotidien. Longtemps on n’en trouvait pas un enregistrement, pas une partition ! Elle n’a été exhumée de son oubli qu’au XX siècle. En réalité, j’estime que c’est nous qui avons la chance de recevoir l’œuvre, et non l’inverse. Le texte est là et dit : « J’attends, j’ai tout le temps. » La patience est du côté de l’œuvre… Qu’est-ce qui provoque chez la femme et l’homme le déclic de l’absolu qui permet de créer des personnages bien plus vivants que nous : Phèdre, Falstaff, Hamlet, Bérénice ? Qu’est-ce qui peuple le réel de fictions ? Qu’est-ce qui rend les paysages d’un grand peintre plus agréables à regarder, plus convaincants que la photographie ? Quand les péronistes sont revenus au pouvoir en Argentine, l’ambassadeur américain a proposé à José-Luis-Borges, qui était bibliothécaire à Buenos Aires, de venir aux États-Unis et d’occuper à Harvard la grande chaire qui porte le nom di Eliot Norton. Borges a souri comme seul un aveugle peut sourire et répondu : « Vous ne comprenez pas, monsieur  l’ambassadeur, la torture est la mère de la métaphore. » C’est terrible comme phrase, mais c’est vrai. Le grand poète, l’écrivain, est l’opposant par excellence. Il oppose ce qui pourrait être à ce qui est. Mais dans une société où, selon le mot du philosophe américain Richard Rorty, « anything goes », il devient difficile au poète de créer un contre-monde ».

Indécis : — Et donc, que pouvons-nous faire ?
George Steiner : — On a un calendrier intérieur… on ne peut pas tout aimer ni comprendre… On a son calendrier neurophysiologique et il faut le respecter! Je voudrais comprendre, mais je n’ai jamais eu de réponse… il y a peut-être un lien entre l’inhumain et l’art. Comme disait Benjamin, toute grande oeuvre est ancrée dans la barbarie. Mais l’énigme demeure malgré cela. Ne pas comprendre est merveilleux. Poser des questions est l’oxygène de l’être. [4]

009 SILouis Borges_740 2Jorge Louis Borges

Voilà des vers de Jorge Luis Borges consacrés au miroir !

 « A veces en als tardes una cara
Nos mira desde el fondo de un espejo :
El arte debe ser como ese espejo
Que nos revela nuestra propia cara. »[5]

« Quelques fois, le soir, un visage
Nous regarde au fond d’un miroir :
L’art doit être comme ce miroir
Qui nous révèle notre vrai visage »

« A volte nelle sere una faccia
ci guarda dal fondo di uno specchio /
l’arte deve essere come quello specchio
che ci rivela la nostra propria faccia »

Claudia Patuzzi


[1] James Hilmann, La force du caractère, édition italienne La forza del carattere, Adelphi, 2000, pp. 210-211, chapître intitulé la force du visage.

[2] Essai intitulé « Monsieur E.Dühring », puis connu sous le nom d’ Anti-Düring,   publié par Engels en 1977 et 1978, en réponse polémique a Karl Eugen Dühring (1833-21), philosophe allemand, professeur chargé de cours près l’université de Berlin.

[3] Allusion au roman di  Robert Musil ( Klagenfurt 1880-Ginevra, 1942), L’homme sans qualité.

 [4] Interview à Georges Steiner (philosophe né à Paris 1929, installé à Cambridge) « L’oeuvre n’a besoin de personne« , interview en « Le Monde », 11 mai 2013.

 [5] Jorge Luis Borges, Poems, (1923-1976), BUR, Rizzoli, 1989, vv. 27-28, pp.148-49.

Claudia Patuzzi

006_La paroi aveugle (histoire drôles n. 6)

10 lundi Juin 2013

Posted by claudiapatuzzi in histoires drôles

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Borges, boulevard, Fervor de Buenos Aires, Haussmann, jardin, Meridiani Mondadori, traduction

001-La paroir.740

La paroi aveugle (photo de Claudia Patuzzi)

Un jour, dans mes vagabondages sans parapluie,  je suis tombée sur cette paroi tranchée, haute et large comme une tour du Moyen-Age, qui se rétrécit de plus en plus vers le ciel.
Ella s’élève au-dessus de moi en toute sa violence. De son apparence au debout de temps, – il y a cents ans ou plus –  ne reste que ce mur scié par un couteau comme  une tranche de gâteau. Une blessure absurde.  Un château de sable  détruit avec un coup de main par un enfant gâté.
Maintenant de tout ça il ne reste que  cette triste surface de briques, suspendue dans le vide, sans fenêtres, sans balcons, sans êtres humaines. Un mur « emmuré ».

Ces parois amputées, comme des bras ou des  jambes gangrenées, sont les enfantes illégitimes des immeubles d’Haussmann qui côtoient pompeux le boulevards. Ces obscènes cicatrices  sont les résultats des démolitions urbaines  réalisées dans les vieux quartiers, dicteés par une rationalité, aussi pratique qu’inexorable. Grace à cette « rationalité » les voitures peuvent circuler sans risquer  l’embouteillage. Mais le mur, comme beaucoup d’autres, est toujours là qui nous regarde, avec son impitoyable amputation.

002_Paroir_740

La cigogne (photo de Claudia patuzzi)

Mais qu’est ce que il y a au dessus sur la gauche ?Il me semble qu’il y a quelque chose… mais oui, c’est un cigogne au bec orangé qui grimpe avec ses ailes blanches vers une cheminée imaginaire. Peut-être elle est en train de chercher un petit enfant.
Quelqu’un, ayant de la pitié envers ce mur nu et vide, a peint ce petit miracle… Mais où regarde le mur ?

Je me retourne et j’ai une surprise inespérée. Juste devant le mur, derrière une grille peinte en vert, il y a un petit jardin à coté d’une église avec un arbre vert et or, envahi par des pigeons avides.

Çà me rappelle quelque chose…
La fable de la Belle et la Bête ?
Ou alors que le villes sont des cartes changeantes, toujours différentes de notre vie et de celle des autres ?

003 L'albero d'oro740

Le jardin avec l’arbre vert et or (photo de Claudia Patuzzi)

Cette grille et ce jardin me rappelle une poésie de Jorge Luis Borges (1899-1986), titrée « Llaneza », c’est à dire « Simplicité », une texte apparue en « Fervor de Buenos Aires », (1923), où « La prose vit avec le vers » écrit Luis Borges dans la Dédicace au lecteur en 1974,  dans la collection I Meridiani  Mondadori. Voilà trois versions de la poésie: en espagnol, en français et, enfin, en italien.

1. Llaneza

 Se abre la verja del jardin
con la dicilidad de la pagina
que una frecuente devocion interroga
y adentro las miradas
no precisan fijarse en los objetos
que ya estan cabalmente en la memoria.
Conozco las costumbres y las almas
y ese dialecto de alusiones
que toda agrupacin humana va ordiendo.
No necessito ablar
ni mentir privilegios ;
bien me conoscen quienes aquì me rodean,
bien saben mis congojas y mi flaqueza.
Eso es alcanzar lo mas alto,
lo quel tal vez nos dara’ el Ciel :
no admiraciones ni victorias
sino sencillamente ser admitidos
como parte de una Realidad innegable,
como las piedras y los arboles.

2. Simplicité 

La grille du jardin s’ouvre
Avec la docilité d’une page
Qu’interroge une fréquente dévotion.
J’entre dans la maison,
Et à l’intérieur les regards
N’ont pas besoin d’observer les objets
Qui sont déjà totalement dans la mémoire.

Je connais bien les habitudes et les âmes
Et ce dialecte d’allusions que va tissant
Tout groupement humain.

Je n’ai pas besoin de parler
Ni de feindre de privilèges ;
Ils ne m’ignorent pas ceux qui m’entourent,
Ils savent bien mes angoisses et ma faiblesse.

C’est là toucher à ce qu’il y a de plus haut
A ce que peut-être nous donnera le Ciel :
Non les admirations ni les victoires
Mais simplement d’être admis
comme une partie de la Réalité indéniable,
comme les pierres et les arbres.

004 SILouis Borges_740 2

3. Semplicità (in « I Meridiani Mondadori » , I vol. p.65 )

Si apre il cancello del giardino
con la docilità della pagina
che una frequente devozione interroga
e all’interno gli sguardi
non devono fissarsi negli oggetti
che già stanno interamente nella memoria.
Conosco le abitudini e le anime
e quel dialetto di allusioni
che ogni gruppo umano va ordendo.
Non ho bisogno di parlare
né di mentire privilegi ;
bene mi conoscono quelli che mi attorniano,
bene sanno le mie ansie e le mie debolezze ;
Ciò è raggiungere il più alto,
quello che forse ci darà il Cielo :
non ammirazioni né vittorie
ma semplicemente essere ammessi
come parte di una Realtà innegabile,
come le pietre e gli alberi.

P.-S. Avez-vous remarqué quelques différences entre les trois textes? Je crois surtout dans la traduction française, car elle implique toujours un décalage et une métamorphose entre le texte original et sa « transposition » dans une autre langue.
«Traducteur = Traitre.»
Chaque langue est un mystère !

Claudia Patuzzi

006 Cielo e alberi- 740Finalement un ciel azur entre des arbres, un espace ouvert aux rêves!

(photo de Claudia Patuzzi)

005 Dans la cuisine II/III (histoires drôles n.5)

03 lundi Juin 2013

Posted by claudiapatuzzi in histoires drôles

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agatha christie, castafiore, conan doyle, cul de sac, FIAT 500, gaston leroux, il segreto di agatha christie, jean gabin, maigret, novalis, saint fiacre, sherlock holmes

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« La Castafiore  est-elle morte ou  vive? » (photo de Claudia Patuzzi)

Carafe-poule : – excusez-moi de l’interruption, je n’ai quasiment plus de voix. Il n’y a pas de surprises ni  de bonnes nouvelles… Mais, nous avons affaire avec un bien cruel constat : Mademoiselle Castafiore est introuvable !

« EST-ELLE EN VIE OU ALORS ELLE EST MORTE ? » Cette question sans réponse retentit partout. C’est un point d’interrogation dont l’écho arrive jusqu’aux cheminées noirs de fumée s’éparpillant dans le ciel gris de Paris. Un horrible doute qui obscurcit tous les souvenirs, toutes les notes, toutes les visions suscitées par le  concert. Tout va s’évanouir dans le néant. La cuisine est affreusement silencieuse, et moi je ne fais que parler à moi-même. Quant aux policiers, ils  ne font que tourner à vide comme des aveugles sans oublier de souffler de rage et éternuer sous les moustaches. Peut-être auraient-ils besoin d’un conseil ou de quelques comprimés de paracétamol…

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Le mystère de la Castafiore : la police est dans un cul-de-sac ! (photo C. Patuzzi)

Carafe-poule : -Les deux policiers  m’observent. Ils sont égarés tel deux cafards dans un désert… Et alors ? Qu’attendez-vous, mollassons ? On doit demander l’aide d’un expert !

– Nous  avons cherché partout, même dans la poubelle…

Carafe-poule : – Il est possible que quelqu’un l’ait renfermée dans le cagibi… Avez-vous regardé dans le porte-parapluies ? Dans les hauts des toilettes, au milieu des médicaments ? Parmi les magazines périmés ? Nous avons  les heures comptées et je risque d’être virée…

– Elle est trop petite, pourrait être n’importe où, même au milieu des couverts ou dans une théière…

– Et si on appelât  le commissaire Maigret ?

Un voix : « Mes voilà, les enfants ! Avez-vous besoin de moi ? »

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Jean Gabin dans le personnage de Maigret dans le film  Maigret et l’affaire Saint-Fiacre (1959).

Carafe-poule : – Ne lui répondez pas ! Maigret est formidable, mais trop sensible et humain… Ici, on a besoin de quelqu’un qui raisonne froidement, avec méthode, comme le ferait un chirurgien avec son petit couteau. Ou alors un écrivain de noirs assez rusé…

Un autre voix : « Are you speaking about me ? Est-ce que vous êtes en train de parler de moi ?»

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Agata Christie à Bagdad.

Les deux policiers se serrent l’un à l’autre, pâles comme des morts.

– D’où vient-elle cette voix ? Je n’y comprends rien !

– Il y a quelqu’un là-bas, au bord du gouffre…

Une femme plutôt âgée, soigneusement habillée, les scrute depuis un étrange baldaquin, une espèce  de belvédère ou peut-être un balcon. Elle est en train de boire une tasse de thé et de savourer des biscuits.

« Dont you recognize me by face? I’m Agatha Christie ! »

Carafe-poule : –  Crétins, n’avez-vous pas compris qu’elle est anglaise ? Parbleu, c’est justement elle, la mère d’Hercule Poirot !

– Good morning ! Je suis Agatha Christie, écrivaine de romans policiers, qu’on appelle, un peu stupidement, « noirs ».

–  Madame, vous savez, une personne a mystérieusement disparu. C’est Mademoiselle  Castafiore, la chanteuse !

– Disparue ? De façon mystérieuse ? Moi aussi, un jour,  je suis disparue… mon mari m’avait quitté pour une autre femme, mais cette terrible histoire est finie aux oubliettes, pour moi…

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Agatha Christie avec son premier mari Archie.

Agatha Christie tire un soupir, avant de se concentrer de nouveau sur le thé. Se suit un instant de silence long comme un siècle.

– Où êtes-vous, madame ? À quoi songez-vous ?

L’écrivaine  a un sursaut, comme si elle se réveillât d’un mauvais rêve. Ses lèvres esquissent un sourire avant de dire : – Je me trouve dans ma maison de Bagdad, avec mon deuxième mari, l’archéologue  Max Mallowan, une vieille demeure turque sur les rives du Tigre… – l’écrivaine trempe un autre biscuit dans du thé – …une maison fraîche, avec un cour dominée par des palmiers dont les pointes touchent la balustrade de mon balcon. J’ai toujours aimé les balcons. Ils créent un décalage entre ce qui est dedans et ce qui est dehors, entre le haut et le bas… un moyen pour rester soi-même, même si l’on est ailleurs, tout en observant de biais la nature et les autres. Un lieu de passage, où tous les regards sont possible… Mon Dieu, je m’aperçois que je suis en train de divaguer… Quoi disais-je ? Ah, voilà ! Tandis que j’observais les femmes descendant vers le fleuve pour faire la vaisselle, je vous ai entendus parler d’un fameux écrivain de noirs  et d’une enquête assez compliquée. J’adore les livres, mais peut-être j’en ai écrits trop !»

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Agatha Christie parmi ses livres

– Madame, vous êtes une vraie bénédiction ! Nous avons besoin de votre aide.

– Volontiers, mais avant  je voudrais vous raconter une petite histoire. J’étais enfant lorsque ma sœur aînée Madge m’introduit à la lecture de Sherlock Holmes et je m’étais jetée la tête première sur cette voie, en  lisant Un étude en rouge. Cela m’avait déjà énormément touchée lorsque j’entendis le conte qu’en faisait Madge. Je n’avais que huit ans.  Pus, j’ai lu Le mystère de la chambre jaune de Gaston_Leroux

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Couverture de « Le mystère de la chambre jaune »

…en proie de l’exaltation, je dis à Madge que moi aussi j’aurais voulu m’essayer dans un roman policier. « Tu n’y arriveras jamais » me répondit ma sœur, mais je savais qu’un jour j’en écrirais un, ou alors plusieurs…  (Agatha Christie, Ma vie, Mondadori, 1977, p. 217-18) Maintenant, pour vous aider, je voudrais appeler quelqu’un de vraiment spécial, auquel je dois beaucoup : Conan Doyle !

« Vous parliez de moi ? »

– Je ne peux pas y croire, c’est juste lui !

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Sharlock Holmes (photo de Claudia Patuzzi)

Conan Doyle : – Oui, c’est moi. Si je ne me trompe pas, madame, quelqu’un a disparu…

Carafe-poule : – Un horrible accident, une chanteuse très célèbre…

Conan Doyle : – Il n’y a que la méthode qui compte, toujours…

Les policiers hurlent à l’unisson : Que devons-nous faire ? Pourquoi la chanteuse est disparue ? Qui est-il le ravisseur ? Est-ce un délit ? Un cas de chantage ?

Conan Doyle se mouche le nez, se concentre dans le nettoyage de sa pipe, avant de dire : – Chercher une explication avant de connaître les faits, c’est une faute ! Juste après avoir écarté tout ce qui rentre avec évidence dans l’impossible, on pourra trouver la vérité en ce qui reste, et que vous aviez considéré comme impossible au commencement de votre enquête. Peut-être, vous devriez chercher là où vous ne voudriez plus chercher ! L’horreur ne marche pas sans l’imagination… Et avec ça j’ai terminé.

Le deux flics : – Regardez ! Il a disparu ! Il prenait des grands airs… Peut-être, c’était mieux Maigret!

Agatha Christie : – Taisez-vous, imbéciles ! Réfléchissez sur la dernière phrase… Oh, mon Max vient me voir, avec  son terrier James, je vous laisse, d’ici peu je vais partir en croisière… L’écrivaine rentre dans sa chambre, en fermant la porte-fenêtre.

009_Max con cane _740 .jpgVersion 2

Max Mallowan avec son terrier James

Carafe-poule : – Donc, feignants que vous êtes, qu’attendez vous ? Avez-vous entendu ce que Madame Christie a dit ?  Cherchez là où vous ne voulez plus chercher !

– Mais passer au crible tout Paris c’est impossible !

Carafe-poule : – Peut-être Conan Doyle voulait dire le contraire…

– Voulait-il dire que la chanteuse  est encore « ici », dans la cuisine ?

Carafe-poule: – Pourquoi pas ? Fouillez chaque interstice, même les trous des serrures, la boîte de la couture, chaque tiroir, chaque marmite, le frigidaire, tout et n’importe quoi!

Les deux policiers se grattent la tête. « Peut-être nous vivons dans un roman noir… Où est-elle la réalité ? Ou alors où est-elle la comédie ? » pensent-ils, sans trop approfondir.

Carafe-poulepousse un soupir. « Que c’est beau ne pas approfondir, être accommodants, s’adapter. Parfois les deux choses, réalité et comédie, s’enchevêtrent et nous demeurons égarés, citoyens d’un monde inconnu qui bouge à une vitesse vertigineuse en nous emportant dans un turbine virtuel… »

Mais voilà que finalement un policier a une idée et dit : – pourquoi ne prenons pas  la FIAT 500 ?

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La découverte (photo de Claudia Patuzzi)

Carafe-poule : – C’est Canal-cuisine qui vous parle: guidés par le flair d’une puissante FIAT 500, les deux policiers ont finalement trouvé la chanteuse ! Son corps gît sans vie à côté de la tribune… c’est-à-dire l’assiette sur la table de la cuisine. L’endroit le plus logique mais, justement en raison de cela, le plus négligé par le genre humain… Des monnaies sont éparpillées à ses pieds, avec la sonnette en or qu’elle aimait porter autour du cou. C’est peut-être avec ce collier qu’elle a été étranglée… Mon Dieu, je vais m’évanouir pour l’émoi… une chanteuse aussi talentueuse et généreuse, elle ne méritait pas du tout une destinée pareille !

Carafe-poule, égarée, regarde autour de soi, avant d’exploser dans une lamentation épique : – Mais où s’est-elle cachée Agatha Christie ? Pourquoi elle n’est pas ici avec nous prêter main-forte ?

011_agathanella nave.740 3

Agatha Christie en voyage

– Je suis ici, sur un navire ayant pour destination Madera, je voudrais vous conseiller une phrase intéressante du poète Novalis :

« Celui qui croit voir un géant, qu’il examine d’abord la position du soleil et fasse attention que ce ne soit pas l’ombre d’un pingouin. »

(Fragments de Georg Philipp Friedrich  Freiherr von Hardenberg, dit Novalis, écrivain, poète et philosophe allemand, 1772-1801)  http://www.moncelon.fr/novalis.htm

012_disegnonovalis_740

André Masson, Portrait de Novalis (1939)

013_ritrovamentorizz_740

« Quel est le décalage, l’écart entre cette photo et la précédente ? » (photo C.Patuzzi)

« Jouer  c’est expérimenter le hasard. » (Novalis, Fragments)

Claudia Patuzzi

 

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